Annoncée en avril 2024, l’ambitieuse restauration d’Un enterrement à Ornans (1849–1850), tableau monumental du peintre Gustave Courbet et l’une des pièces maîtresses du musée d’Orsay, vient de débuter au rez-de-chaussée de l’établissement parisien.

Dans la salle 7 où il est habituellement accroché, une palissade spécialement conçue pour l’occasion entoure l’espace de travail afin que les visiteurs puissent, à travers des ouvertures transparentes, en observer le processus minutieux qui durera entre 12 et 18 mois.

Une opération nécessaire et complexe

« La préservation des gestes originaux de Courbet – ses traces de pinceau, les stries de son couteau, les irrégularités assumées de sa matière – constitue un enjeu primordial. »

Le tableau, qui n’avait « pas fait l’objet d’une intervention fondamentale depuis un demi-siècle », « nécessite d’être restauré » pour plusieurs raisons, explique le musée. La plus évidente est d’ordre esthétique : les différentes couches de vernis anciens qui le recouvrent, « jaunis, épaissis et opacifiés » au fil du temps, « compromettent sa lecture ».

Déjà caractérisée par une palette terreuse, l’œuvre comptant 46 personnages est en effet devenue difficile à déchiffrer, et même entièrement noire par endroits. Le décrassage et l’allègement des vernis, qui constitueront la première étape du chantier, permettront donc d’améliorer son aspect et sa lecture globale mais aussi, peut-être, de révéler des détails masqués, comme ce fut le cas récemment pour La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix au Louvre.

Gustave Courbet, Détail de l’ébauche d’un « Enterrement à Ornans » vue à travers la radiographie

Gustave Courbet, Détail de l’ébauche d’un « Enterrement à Ornans » vue à travers la radiographie, entre 1849 et 1850

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© C2RMF / Laurence Clivet et Alexis Komenda

D’autres raisons plus profondes rendaient cette restauration urgente. « Déformé », son châssis de 1884 avait « occasionné un relâchement de la toile et la fragilité de ses coutures », tandis que « l’instabilité de certains liants », combinée à une superposition complexe de couches de peinture, avaient entraîné des « réseaux de craquelures » et « des soulèvements localisés ». Les multiples déplacements du tableau depuis sa création il y a 175 ans avaient aussi eu pour conséquences de nombreux « plis, déformations et déchirures ». La toile sera donc « consolidée et remontée, soit sur un nouveau châssis, soit sur l’ancien châssis renforcé », puis les différentes lacunes et usures « atténuées ».

Pour les restaurateurs, cette « opération d’envergure » pose des « défis spécifiques », non seulement en raison de la taille exceptionnelle de l’œuvre (sept mètres sur trois) mais aussi de la technique expressive du peintre, « caractérisée par des empâtements généreux et des applications parfois réalisées au couteau ». « La préservation des gestes originaux de Courbet – ses traces de pinceau, les stries de son couteau, les irrégularités assumées de sa matière – constitue un enjeu primordial », insiste l’équipe. Rigueur et prudence seront donc de mise.

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Des visites pour suivre le travail de restauration

Financée grâce au mécénat de la Bank of America Charitable Foundation, cette restauration intervient dix ans après celle d’un autre tableau colossal de Courbet conservé à Orsay, L’Atelier du peintre (1854–1855). Cette mission délicate sera menée, en collaboration avec un comité scientifique, par sept restaurateurs de l’atelier Arcanes, dont Cinzia Pasquali, qui a déjà dirigé la restauration de la galerie d’Apollon au Louvre et de la galerie des Glaces au château de Versailles, et donné un coup de frais à des peintures mythiques comme La Vierge, l’Enfant Jésus et sainte Anne de Léonard de Vinci (conservée au Louvre).

Pour ceux qui souhaitent voir la restauration de plus près, des visites commentées du chantier seront proposées gratuitement au public à partir du 5 juin 2025 chaque jeudi matin lors de trois créneaux horaires (9h45, 10h30 et 11h15) avec réservation obligatoire sur le site du musée.

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