L’Allemagne fait face à un phénomène migratoire inattendu : en 2024, près de 200 millionnaires ont quitté le pays, indique la Frankfurter Rundschau. Un chiffre sans précédent, qui pourrait être dépassé dès 2025, selon le cabinet d’analyse New World Wealth (NWW). Ce mouvement massif vers des destinations comme Singapour, Dubaï ou le Canada n’a pourtant pas grand-chose à voir avec la fiscalité, à en croire les analystes.

“2024 a été une année record”, souligne Andrew Amoils, chercheur principal chez NWW. Avec 135 000 départs attendus dans le monde en 2025, la “migration des riches” prend une ampleur inédite, mais son interprétation politique reste controversée. Contrairement à l’argument souvent avancé par la droite populiste, la fuite fiscale ne serait qu’un écran de fumée. “Un argument populaire contre une imposition équitable de la richesse est que les riches déménageront alors tout bonnement et ne paieront plus d’impôts”, rappelle l’auteur et ex-millionnaire Sebastian Klein. Pour lui, cette idée est un “pseudo-argument”.

“La mobilité devient l’un des biens les plus précieux”

Ce départ des élites économiques met en lumière une autre facette de l’expatriation : celle du désengagement social. “Si les riches veulent se soustraire à leur devoir constitutionnel […], ils commettent un acte profondément antisocial”, dénonce Klein, qui critique une fuite des responsabilités plutôt qu’une fuite fiscale. Derrière ces départs, les raisons invoquées sont moins économiques que psychologiques et politiques : instabilité géopolitique, tensions sociales, peur du déclin.

La liberté de mouvement devient un luxe que seuls les plus aisés peuvent s’offrir. Et pour le conseiller financier Willi Plattes, “dans un monde d’incertitude, la mobilité” devient même “l’un des biens les plus précieux”. Un constat qui interroge : que signifie encore “appartenir” à un pays, quand les plus riches peuvent en changer au gré des crises ? Pour l’Allemagne, cette forme d’exil discret pourrait bien être le symptôme d’une fracture plus profonde.