Par

Anne-Sophie Hourdeaux

Publié le

7 mai 2025 à 8h40

Il est sorti le 6 mai 2025, soit la veille du conclave. Le nouveau livre du Nordiste Michel Cool, spécialiste du Vatican, dresse le portrait du pape François, tout juste décédé, au fil des 15 chapitres et 15 thèmes. Le Nordiste, résidant à Gennes-Ivergny dans le Pas-de-Calais, travaille sur cet ouvrage depuis septembre 2024. Mais le décès du pontife le 21 avril dernier a accéléré le bouclage, pour une sortie pile au moment du conclave qui doit désigner un nouveau pape.

Pauvres, migrants, réforme, homosexuels, écologie…

Les pauvres, les migrants, l’écologie, les périphéries, la réforme de l’Église, les abus sexuels, la gestion du pouvoir, les homosexuels, ou encore la diplomatie, les prises de position du pape, ses gestes forts, ses mots sont ici décortiqués avec une analyse d’un fin connaisseur des rouages du Vatican.

Il y a déjà eu beaucoup d’ouvrages sur ce pape. Qu’apportez-vous de neuf ?

J’ai lu énormément d’ouvrages le concernant. Beaucoup sont obnubilés par le fait de le classer entre progressiste et conservateur, moderne et ancien, de gauche ou de droite. J’étais fatigué de cette vision manichéenne, binaire. C’est paradoxal, lui qui a toujours voulu y échapper. Il n’a jamais voulu se laisser emprisonner dans un rôle. Il est resté libre. Sa manière d’être, de parler, ses gestes, il est resté lui-même. Peut-être même que la fonction papale a renforcé sa liberté, surtout spirituellement. Elle a dérangé, elle n’a pas toujours été comprise. Ce fil conducteur qui sortait des sentiers battus, j’en ai fait le sens de mon livre.

Que retenez-vous en particulier de ce pontificat ?

Je commence l’ouvrage par sa proximité avec les pauvres, un marqueur de son pontificat. Sa volonté de réformer l’Église est aussi forte. Je retiens son ouverture au monde. Tout cela, c’est la musique de Vatican II, qu’on avait moins entendue avec Jean Paul II et Benoît XVI. C’est sans doute parce qu’il est argentin, en Amérique latine, les gens sont davantage plongés dans Vatican II. J’ai présenté 15 thématiques où il me semblait avoir apporté quelque chose de nouveau.

Quel message voulez-vous délivrer avec cet ouvrage ?

C’est un livre qui nous interpelle sur notre capacité à être libres, comme François l’a été. Il fut un exemple en ce sens.

Avez-vous déjà eu l’occasion de le rencontrer ?

Le 30 mars 2016, je lui remettais mon livre en mains propres à Rome, pour mes 60 ans ! J’ai pu lui parler lors d’une audience. Il a ri aux éclats comme un enfant quand il a lu le titre de l’ouvrage « Tango à Rome » ! Je lui ai dit : « Tout le monde n’est pas prêt à ‘danser l’Évangile’, vous aurez des difficultés ». Il m’a dit qu’il le savait. Puis, il m’a en quelque sorte envoyé en mission autour de 3 verbes, comme il aimait le faire : témoigner, expliquer, prier. Il m’a dit : « Continuer à témoigner de votre envie de vivre l’Évangile, à expliquer mon chemin et à prier ! »

michel cool et le pape
Michel Cool a rencontré le pape en 2016 et lui a remis son livre le concernant, Tango à Rome. ©Service photographique de « L’Osservatore Romano »

Vous aviez déjà écrit un premier livre en 2015. Entre vos 2 ouvrages, 10 ans sont passés. Avez-vous eu des surprises de ce que vous aviez perçu du pape à son élection ?

Ce que je n’avais pas perçu en 2013, c’est son exercice du pouvoir très personnel, voire autoritaire. Il était heureux de gouverner, d’être un manager, à la différence de Benoît XVI. Il aimait décider seul, court-circuiter les médiateurs, ce qui a causé beaucoup de problèmes relationnels avec la curie romaine.

On sent votre attachement à ce pape. Mais abordez-vous des aspects moins consensuels de ce pape ?

Oui, bien sûr. Il y a beaucoup de sujets positifs concernant ce pape, mais je reste critique. Sur les abus sexuels, il a eu des mots forts pour dénoncer, mais il a aussi eu des attitudes ambiguës, en couvrant par exemple un évêque chilien, en refusant de recevoir Jean-Marc Sauvé car il trouvait que le rapport de la CIASE allait trop loin. Lors de sa visite en Belgique en septembre 2024, il a eu des paroles malheureuses, comparant les médecins pratiquants l’avortement à des tueurs à gages. Sur la place des femmes, il a gardé une vision patriarcale. Sur la guerre en Ukraine, il a invité les Ukrainiens à sortir le drapeau blanc…

Votre livre sort au moment où débute le conclave. Avez-vous des pronostics sur le prochain pape ? Un Italien ?

C’est la conclusion de mon livre ! Ma thèse est que ce sera de toute façon un héritier de Vatican II. Trois profils sont possibles. Un « Jean XXIV » évoque l’élu de la continuité de François, qui poursuivra la réforme. Celui que je baptise « Pierre-Paul » serait plutôt un « centriste », un rassembleur pacificateur. C’est le profil de l’aggiornamento, qui allierait modérés, conservateurs, réformistes. Le conclave pourrait aussi préférer un pape de transition, plus classique, avec une pause dans les réformes.

Ce qui plaiderait pour un pape italien est qu’il n’y en a pas eu depuis longtemps, après un Polonais, un Allemand et un Argentin. Cela permettrait de faire la paix avec la curie romaine qui compte beaucoup d’Italiens et qui a été « malmenée » par François. De plus, le contexte international va peser. La diplomatie vaticane est plutôt composée d’Italiens. Dans un contexte d’inquiétude générale mondiale, un profil comme Mgr Pietro Parolin peut rassurer. Mais concernant la décision finale, on a déjà eu souvent des surprises, notamment avec le choix de Jean Paul II et de François ! Tout est possible au Vatican.

Votre prochain livre concernera le nouveau pape ?

Non, pour Salvator, c’est Samuel Pruvost qui en est chargé, et c’est un travail énorme car il faut faire des fiches pour tous les « papabiles » ! C’est ce que j’avais fait en 2013. Là, je vais répondre aux sollicitations pour présenter mon livre et assurer quelques conférences.

À lire : « François, l’anticonformiste », éditions Emmanuel et Salvator, 192 pages, 14,90 €.

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