Bonne surprise pour l’automobiliste français. A des milliers de kilomètres de votre station essence favorite (si, si, vous en avez forcément une préférée), les membres de l’OPEP + (l’organisation des pays exportateurs de pétrole) ont décidé d’augmenter leur production de barils. Autrement dit, de baisser les prix. En juin, quelque 411.000 barils supplémentaires seront extraits chaque jour, contre 137.000 initialement prévus. Le tout dans un contexte de forte baisse des prix depuis plusieurs mois.
Le baril de brent, l’une des références du marché, est passé de 82 dollars le 15 janvier à 60,2 dollars lundi 5 mai. Soit son plus bas niveau depuis février 2021. Ce seul lundi toujours, le prix a baissé de 3 % suite à la décision de l’OPEP +. Mais l’important dans la vie, ce n’est pas la chute, mais l’atterrissage. Quel impact cela peut-il avoir sur votre plein d’essence ? Le litre sera-t-il à 50 centimes en juillet ?
Une limite à la chute
En réalité, cela fait longtemps que cette chute se concrétise dans les stations françaises. « En un an, le prix d’un litre de sans-plomb a baissé en moyenne de 23 centimes, et un litre de diesel de 18 centimes », renseigne Edouard Lotz, head of Market Research chez Omnegy, cabinet de conseil en énergie. Le tout pour atteindre une moyenne d’1,566 euro pour le diesel et d’1,670 euro pour le SP95. Peut-il descendre beaucoup plus ?
Premier obstacle de taille, les taxes. En France, elles représentent en moyenne 60 % du prix à la pompe et sont imperturbables aux variations du marché. De quoi déjà solidement endiguer la baisse. Ainsi, en un an, les prix à la pompe n’ont bougé que de 12 %, contre une chute de 21 % pour le baril de brent.
« Le prix du baril ne peut pas descendre plus bas »
Autre bosse dans la descente tout schuss : la chute du baril va bien s’arrêter un jour. La décision prise par l’OPEP d’augmenter la production, certes moins rentable, s’explique par une volonté de reprendre des parts de marché, notamment aux Etats-Unis, explique Sylvain Bersinger, économiste au cabinet Astères. « Quand l’OPEP laisse le prix du pétrole augmenter [en limitant la production], les Etats-Unis deviennent plus rentables avec leur pétrole de schiste et gagnent des parts de marché. Au contraire, avec un prix très bas, ce moyen d’extraction n’est plus rentable ce qui favorise l’OPEP, aux réserves de pétrole bien plus accessible ».
Nous voici donc avec un prix du baril qui baisse. Mais jusqu’où ? « Il ne peut pas descendre beaucoup plus bas, c’est intenable. L’OPEP ne va pas vendre à perte », estime Bernard Keppenne, chef économique à la CBC Bank. 50 dollars au plus bas, point final.
Quelques centimes de moins, tout au plus
Mais bonne nouvelle, il ne risque pas non plus d’augmenter beaucoup. Pour Edouard Lotz, le baril devrait se maintenir autour de 60 dollars ces prochains mois. « La demande est faible avec la baisse de la croissance mondiale. Le niveau de dépenses énergétiques, notamment industrielles, a chuté dans la plupart des pays. » A fortiori avec les allers-retours de Donald Trump sur les droits de douane, qui risquent de ralentir encore un peu plus l’économie mondiale.
Autre bon point pour les prix à la pompe : l’euro est de plus en plus fort par rapport au dollar. Or, le baril étant calculé en billet vert, plus l’euro est costaud, plus la France peut acheter de pétrole avec la même somme d’argent. De quoi, définitivement, sécuriser des prix faibles à la pompe. Mais là encore, n’attendez pas de miracle. Les trois experts s’accordent : les prix au litre peuvent encore baisser de quelques centimes, mais pas beaucoup plus. Pour imaginer une baisse massive, par exemple 50 centimes de moins, « il faudrait que le baril soit à 0 euro. Impossible, évidemment », soutient Edouard Lotz. L’été sera doux, mais pas miraculeux.