Le thermomètre a pris des airs de montagnes russes en ce début de mois de mai. Après un pont du 1er mai « inhabituellement chaud pour la saison » selon Météo France, avec des températures supérieures de 10 °C à la normale dans la moitié Nord du pays et un record de chaleur battu à Paris, la météo a effectué un virage à 180 °C.

Une masse d’air plus frais a gagné l’ensemble du pays, conséquence direct d’un week-end parsemé d’orages. Les Parisiens, dont les aspirations estivales ont été douchées par de violentes averses de grêle dimanche après-midi, ont été contraints de troquer leurs t-shirts pour des pulls après avoir perdu 12 °C en un week-end. Même constat à Lille où le mercure a chuté, passant de 28 °C à 14 °C en quarante-huit heures. Les températures ont retrouvé leur fraîcheur printanière, tombant même quelques degrés en dessous de la norme d’un début mai par endroits.

Désormais familiers, ces brusques changements de température ont augmenté en fréquence et en intensité au cours des dernières décennies, d’après une étude publiée le mardi 22 avril 2025, dans la revue scientifique de référence Nature . Un phénomène que les chercheurs attribuent directement au dérèglement climatique.

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 Plus de 60 % du globe concerné par ces phénomènes

Afin d’arriver à ces conclusions, les scientifiques chinois, auteurs de l’étude, ont identifié, entre 1961 et 2023, les situations durant lesquelles les températures d’une région sont passées d’un extrême à l’autre en l’espace de cinq jours ou moins.

Et les données sont sans équivoque : « Plus de 60 % [des zones du globe] ont connu des changements plus fréquents, plus intenses et plus rapides depuis 1961, et cette tendance s’étendra à la plupart des régions à l’avenir », concluent les auteurs. La fréquence à laquelle surviennent ces événements climatiques a particulièrement augmenté en Amérique du Sud, en Europe occidentale, en Afrique ainsi qu’en Asie du Sud et du Sud-Est.

Cette bascule rapide entre deux extrêmes reste encore peu étudiée dans le contexte du changement climatique. Pour expliquer ces phénomènes, les scientifiques font donc valoir plusieurs pistes, citant notamment les ondulations du courant jet-stream, une puissante ceinture de vent d’altitude encerclant la Terre qui est déséquilibrée par le réchauffement climatique.

Autre facteur avancé par les auteurs : la sécheresse croissante des sols qui rejettent la chaleur vers l’atmosphère et peuvent intensifier la variabilité des températures. Un phénomène amplifié par la déforestation, souligne l’étude.

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« La pire catastrophe agronomique » du XXIe siècle

Si les mécanismes climatiques à l’origine de ces fluctuations ne sont pas encore précisément identifiés, leurs effets néfastes sur les populations et la biodiversité sont, eux, bien connus.

En avril 2021, un revers brutal de la météo accompagné d’un épisode de gel avait anéanti en quelques jours seulement plusieurs centaines d’hectares de fruits, de vignes, de betteraves ou encore de colza en France. Cet événement, qualifié par le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation de l’époque comme « la pire catastrophe agronomique de ce début de XXIe siècle », avait de nouveau souligné la vulnérabilité des filières agricoles face au dérèglement climatique.

photo le gel du printemps 2021 avait durement frappé les vignes du vignoble du muscadet, qui avait perdu 65 à 70 du potentiel de récoltes.  ©  franck dubray / ouest-france

Le gel du printemps 2021 avait durement frappé les vignes du vignoble du muscadet, qui avait perdu 65 à 70 du potentiel de récoltes. Franck Dubray / Ouest-France

Dans les environnements naturels, la mort des plantes à cause de ces variations pourrait entraîner une réaction en chaîne, telle qu’une diminution de la nourriture disponible pour la faune et la mise en danger de certaines espèces, a précisé au New York Times Wei Zhang, professeur adjoint en sciences du climat à l’université d’État de l’Utah et un des principaux auteurs de l’étude.

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Faire face à des risques accrus « de morbidité et de mortalité »

Chauffage, climatisation, retour au chauffage… Cette météo yo-yo met à mal les infrastructures énergétiques. Difficile d’anticiper la demande d’énergie lorsque le mercure fait des grands écarts. En septembre 2020, de nombreuses municipalités situées dans les montagnes Rocheuses, en Amérique du Nord, ont ainsi été privées d’électricité après avoir perdu 20 °C en l’espace d’une journée, rapporte l’étude.

Dans les décennies à venir, la situation pourrait devenir particulièrement tendue pour les régions à faible revenu, dont les infrastructures, souvent vulnérables, peineront à appréhender la demande croissante liée aux variations de température. Des risques qu’il est urgent de comprendre, insistent les scientifiques.

Car les fluctuations brutales du thermomètre laissent « très peu de temps aux êtres humains et aux écosystèmes pour réagir et s’adapter », avertissent les chercheurs chinois, soulignant des risques accrus « de morbidité et de mortalité », pour les personnes vulnérables tels que les personnes âgées, en surpoids et celles ayant des problèmes de santé préexistants.

Une mise en garde à prendre au sérieux alors que l’exposition de la population mondiale à ces événements climatiques devrait augmenter d’ici à la fin du XXIe siècle, notamment dans les pays à faible revenu, où cette exposition pourrait être de 4,08 à 6,49 fois supérieure à la moyenne mondiale.