Moins d’un an après la mort de Jean-Marc Schoepff, l’un de ses accusateurs disparaît à son tour. Sébastien Liautaud, natif de Nice, ancien enfant de chœur à Antibes, s’est donné la mort à l’âge de 39 ans, le 1er mai, à Draguignan. Il portait la parole des « victimes du diocèse de Nice ». Tragique épilogue d’une affaire qui aura broyé plusieurs vies, à défaut d’accoucher d’une vérité judiciaire.

Le 20 juin 2019, Sébastien Liautaud pose à la Une de Nice-Matin, devant le palais de justice de Nice. Il vient de déposer plainte contre Jean-Marc Schoepff. Déterminé, il raconte les attouchements subis, en mars 1997, lors d’un pèlerinage à Rome. Depuis janvier 2017, d’autres plaignants ont décrit un scénario similaire. Mais Sébastien Liautaud est le premier à dénoncer des faits non prescrits.

Au terme d’un tortueux marathon judiciaire, Jean-Marc Schoepff est renvoyé en correctionnelle pour agressions sexuelles sur mineurs. Sur les neuf plaintes déposées, deux échappent à la prescription. Le procès est prévu en janvier 2024. Mais il est reporté en septembre, la défense invoquant un motif médical. Sébastien Liautaud le vit très mal. Rongé par cette affaire, il envisage de jeter l’éponge. Le 24 mai 2024, le père Schoepff est emporté par une crise cardiaque. Il reste à jamais présumé innocent. Ultime coup dur pour les plaignants, privés de procès.

« Les blessés de l’Eglise »

Accroché à sa foi et son désir de justice, Sébastien Liautaud a été l’un des premiers à saisir la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise, en 2021. Il portait le collectif Libère ta parole, a participé à un livre-débat sur le sujet: « Et si on se parlait… enfin? » L’émoi causé par sa disparition témoigne de la place qu’il avait prise dans le monde des « blessés de l’Église », dixit le père Philippe Vanneste, qui l’accompagnait.

« Je ne serai jamais totalement guéri », affirmait Sébastien Liautaud. La mort brutale d’un ami l’a encore fragilisé. « Il était complètement cassé à l’intérieur, témoigne Philippe Vanneste. Ces derniers temps, je sentais bien que les ressorts de vie s’étaient cassés… » Me Vincent Ehrenfeld, l’avocat de Sébastien Liautaud, confie son amertume: « L’affaire aura été marquée par les mensonges et le déni du père Schoepff. Un procès aurait sans doute permis à Sébastien d’aller mieux et de se reconstruire. »


Sébastien Liautaud avait déposé plainte à Nice en juin 2019. Photo Christophe Cirone.