Rachida Dati a récemment acté pour la rentrée 2025 la mise en œuvre d’une stratégie qu’elle avait lancée dès l’été dernier : regrouper au sein d’une même Direction, une « DGEDC », Direction Générale de l’Enseignement et de la Démocratie Culturelle, toutes les écoles et formations d’enseignement supérieur sur lesquelles le Ministère de la Culture exerce sa tutelle – et elles sont variées. Cinéma, arts plastiques et visuels, art dramatique et spectacle vivant, musique et bien entendu architecture, tous les champs artistiques sont concernés. Ainsi des Conservatoires nationaux supérieurs de musique et de danse de Paris et Lyon, de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris comme celle de Cergy, Fémis, Conservatoire national supérieur d’art dramatique, Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne, Ecole nationale supérieure des arts de la marionnette et bien entendu l’ensemble des 21 ENSA, Écoles Nationales Supérieures d’Architecture, qui constitue le plus gros morceau, budgétairement parlant. 


 


Chacun comprendra aisément les vertus que présenterait un tel regroupement ; en premier lieu la force du nombre, ce qui n’a rien de négligeable lorsqu’il s’agit de discuter avec un voisin qui a l’allure d’un géant : le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. Il n’en reste pas moins qu’un grand clivage traverse aussi ce regroupement d’établissements qui peuvent apparaître a priori comme des cousins : la pédagogie du projet, « apprendre à être auteur » en essayant d’« être créatif », injonction paradoxale conjuguant autant le nouveau que la répétition, et qui diffère en cela des écoles d’interprétation, de musique ou d’art dramatique. Parmi les établissements d’enseignements dits artistiques, cette ligne de partage sépare en effet les écoles d’arts et d’architecture, où l’on enseigne le projet (ce qui implique à la fois d’apprendre à se situer, pratiquer des techniques, et produire des projets), par opposition aux conservatoires où l’on apprend à interpréter, un rôle ou une partition. Second clivage, plus discret mais agissant avec une influence pernicieuse et lancinante pouvant provoquer de dangereuses fissures : les inégalités de traitement, parfois importantes, des enseignants exerçant au sein de ces divers établissements.


 


Les termes de la « mission d’évaluation de scénarios d’une nouvelle organisation du pilotage de l’enseignement supérieur » confiée le 12 juillet 2024 à Luc Allaire, Secrétaire général du Ministère, étaient clairs : face à « un fort éclatement et d’importants coûts de coordination », comment optimiser le pilotage des formations ? Cette lettre de mission s’inscrivait comme une forme de prélude à la Stratégie Nationale pour l’Architecture dévoilée au début du mois de février 2025. Il y était en effet déjà question de recherche et de « standards académiques », de mobilité et de rayonnement international, de développement de l’alternance en lien avec les filières professionnelles concernées, de développement de la formation continue, de suivi de l’insertion professionnelles, d’ouverture des modalités d’accès aux formations et de procédures parfois communes à plusieurs écoles… 


 


La nouvelle SNA couvre la période qui s’étire de 2025 à 2029. Il s’agit donc d’une politique concertée et maintenue sur un temps relativement long avec quelques expériences ou poissons-pilotes lancés ici ou là. D’une certaine manière, c’est un peu ce qu’aura cherché à mettre en œuvre, avec sans doute plus d’hostilité que prévu, la tentative de rapprochement entre l’ENSBA et l’ENSA de Paris-Malaquais initiée sur le site historique des Beaux-Arts là où, chez les architectes du moins, tout commence et tout finit [cf. AMC, n°331, avril 2025]. Mais l’histoire n’est pas terminée. Elle est longue et le prochain épisode renvoie à la nomination, bientôt sans doute, d’un nouveau directeur pour l’ENSBA – selon Le Monde [19 mars 2025] cinq candidats sont encore en lice.


 


La lettre de mission indiquait déjà l’attention à porter au « fort attachement historique » de chacun des secteurs concernés à leurs directions respectives, ainsi que « l’accompagnement à prévoir auprès des partenaires habitués à l’organisation actuelle de la tutelle ». Dès le 30 avril, sitôt l’annonce de ce « pilotage unifié et incarné pour l’enseignement supérieur », la CGT Culture a, de fait, vivement réagi par un communiqué à l’intitulé incendiaire : « non contente de malmener ses directions générales, la ministre pourrait mettre le feu aux écoles ! ». Du côté des architectes, il est permis de s’interroger sur la persistance des contours d’une Direction qui verrait ainsi s’échapper la plus grande part du budget qu’elle avait jusqu’ici à gérer. Fondue depuis 2010 dans la Direction Générale des patrimoines et de l’architecture, que resterait-il de la DAPA telle que nous l’avons connue et quelles missions conserverait-elle ? Favoriser la création et veiller à la promotion de la qualité, architecturale et paysagère, assurer la tutelle de l’Ordre… et décerner le Grand Prix national ?