« La Fed a intérêt à prendre son temps »
En réalité, Powell n’avait pas vraiment d’autre choix possible. Baisser le coût du loyer de l’argent ce mercredi aurait été interprété comme une reculade face aux pressions de Trump qui exige, depuis son retour à la Maison Blanche, du président de la Fed qu’il abaisse les taux afin de relancer l’économie américaine. Céder à Trump aurait inévitablement porté atteinte à l’indépendance de l’institution et à la crédibilité de sa politique monétaire.
Le patron de la Fed doit aussi tenir à l’œil l’inflation et les conséquences sur celle-ci du renchérissement des importations à la suite de l’entrée en vigueur des tarifs douaniers. « Il faudra certainement encore trois à quatre mois avant d’être en mesure d’estimer avec plus de certitude l’impact réel des taxes douanières déjà mises en œuvre, et de celles qui pourraient l’être une fois que le moratoire de 90 jours aura expiré au début du mois de juillet. La Fed a donc tout intérêt à prendre son temps », expliquait mercredi matin un analyste de Pictet AM dans une note d’analyse.
« La Fed a l’obligation d’éviter que l’inflation due aux droits de douane devienne persistante »Rendez-vous en juin?
Cela étant, Powell – dont Trump n’exige désormais plus ouvertement le départ de la Fed – était également attendu au tournant sur le calendrier d’une future baisse des taux, étant donné le ralentissement de l’économie américaine, dont le PIB s’est inscrit en recul au premier trimestre (NdlR: avec un recul de 0,3% en rythme annualisé). Dès la prochaine réunion prévue en juin ? C’est en tout cas le pari de nombreux observateurs sur les marchés mais cela reste encore à démontrer. « L’incertitude concernant les perspectives économiques s’est encore accrue », a expliqué ce mercredi soir dans un communiqué la banque centrale, qui estime que les risques de voir « un chômage plus élevé et une inflation plus élevée » ont aussi « augmenté ». Une manière sans doute de dire que la prudence devrait encore rester de mise pendant un bon moment… Au cours de la conférence de presse, Jerome Powell a d’ailleurs enfoncé le clou: « Nous pourrions nous retrouver dans un scénario difficile où nos deux objectifs (NdlR: plein emploi et inflation maîtrisée) sont en tension. Il y a tellement d’incertitudes pour les Etats-Unis à cause des droits de douane ». Les critiques de Trump « n’affectent pas du tout » le travail de la Fed, a encore tenu à préciser le patron de la Fed. Et d’ajouter: « Nous considérons toujours uniquement les données économiques, les perspectives, la balance des risques et c’est tout. Donc cela n’affecte vraiment pas ni notre travail, ni la manière dont nous l’exécutons ».
Douche froide pour Donald Trump: le PIB américain est en recul
Le rythme futur de baisse des taux outre-Atlantique dépendra donc en partie de l’évolution des tensions commerciales entre les États-Unis et ses partenaires commerciaux. Sur ce point, Donald Trump semble avoir mis de l’eau dans son vin ces derniers jours, adoptant un discours moins agressif en la matière et se disant ouvert à la conclusion de « deals ». La Chine et les États-Unis vont d’ailleurs se réunir le week-end prochain en Suisse – signe d’apaisement ? – pour jeter les bases d’une négociation commerciale, une première depuis l’annonce du « Liberation Day » et alors que la Chine avait jusqu’ici opté pour l’épreuve de force avec Washington.
Petit pied de nez adressé à Trump, la Chine a, par ailleurs, annoncé ce mercredi avoir assoupli certains de ses principaux instruments de politique monétaire dans l’espoir de relancer sa propre économie. Là où Trump se heurte donc encore et toujours à un mur nommé donc Jerome Powell. Une annonce chinoise qui doit certainement irriter le locataire de la Maison Blanche…