Un tank soviétique pris dans la neige afghane en 2022, le corps d’un sniper de l’« État islamique » propulsé dans le salon d’une famille aisée de Mossoul en Irak, en 2017, des soldats syriens sur les ruines archéologiques de Palmyre après avoir repris la ville en 2016, une vue plongeante sur la Méditerranée depuis un hélicoptère de secours au large des côtes espagnoles en 2018, les gigantesques dunes du désert libyen contrastant avec la minuscule silhouette d’un homme d’une force armée en 2015… Lorenzo Meloni a passé plus de dix ans au Moyen-Orient, notamment au Yémen, en Irak, en Afghanistan et en Syrie. Plus récemment, il a chroniqué la guerre en Ukraine, comme à travers ce cliché pris à Marioupol pour le Monde, en 2022, après une frappe russe sur une position de défense aérienne ukrainienne.
Depuis des années, ce photographe de l’agence Magnum produit une œuvre engagée, témoignant des conséquences sur les personnes des conflits à travers des portraits de survivants, des paysages désertiques ou de ruines. Son travail est internationalement reconnu, à l’instar de We Don’t Say Goodbye (« On ne dit pas au revoir »), « livre-photo de l’année » pour le magazine Time en 2022. Issu de ses séjours en Syrie, en Irak et en Libye entre 2013 et 2019, il dépeint « l’ascension, le règne, la chute et les conséquences immédiates de l’« État islamique » en tant qu’entité territoriale ».
Du Moyen-Orient à l’Europe, les photos de Lorenzo Meloni bouleversent tant elles ne visent jamais à une héroïsation des acteurs des conflits, ni à une victimisation ou à un misérabilisme.
Dans cet ouvrage, une citation interpelle : « Les gens changent, les acteurs changent, mais la scène des événements est constante et l’histoire du conflit est la même. » En avril 2020, pour le même magazine Time, il avait signé une série de photos saisissantes prises à Bergame et Brescia, des villes d’Italie du Nord décimées par le Covid. Dans les chambres des malades mourants, dans des hôpitaux improvisés, devant des dizaines de cercueils, il a reconnu l’odeur si familière, pour lui, de la mort.
Lorenzo Meloni est sur le point de lancer son nouveau projet, « Revelation », né de ses trois dernières années à explorer l’Europe et de ses précédentes expériences à documenter « les extrêmes de la nature humaine dans les zones de conflit – la dévastatrice destruction de la guerre et les extraordinaires actes de générosité dont l’humanité est capable ». Il analyse : « Une partie centrale de l’œuvre est également une réflexion critique sur le système économique capitaliste. La crise écologique que nous traversons est en grande partie le résultat d’un modèle de développement fondé sur l’accumulation, la consommation rapide et l’illusion d’une croissance infinie. Les images tentent de transmettre visuellement l’impact de ce système, mais aussi de suggérer la nécessité d’imaginer des modèles alternatifs ».
Du Moyen-Orient à l’Europe, les photos de Lorenzo Meloni bouleversent tant elles ne visent jamais à une héroïsation des acteurs des conflits, ni à une victimisation ou à un misérabilisme. Lorsqu’il traverse l’Europe, il semble photographier avec les mêmes points de vue et distance son objet que dans une zone de guerre. Par leur humanité, ses photos nous invitent à une prise de conscience, à nous rapprocher de ces histoires. Dans ce monde en pleine reconfiguration géopolitique, c’est une sorte de mise en garde contre toute forme d’arrogance : l’être humain n’est qu’un pion au milieu des conflits armés, qui sont eux-mêmes si peu de chose au sein d’une nature imprévisible et d’un univers immense.
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