Nous célébrons la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui s’est conclue le 8 mai 1945 par la capitulation totale de la Wehrmacht à Karlshorst, un quartier de l’est de Berlin. Qui avait 20 ans à l’époque en a 100 aujourd’hui. Par conséquent, cette date disparaît progressivement du champ de la mémoire transmissible. Il en reste de moins en moins de témoins vivants.
C’est désormais la communication médiatique qui dessine les contours de l’événement, ainsi que les études scientifiques, les expositions historiques, les débats publics, et au besoin les cours dans les établissements scolaires. Depuis quelque temps, on se pose moins la question du souvenir que l’on a de la fin de la guerre, et on s’interroge davantage sur la façon de s’en souvenir, collectivement.
Du reste, le verbe “se souvenir” est aussi imprécis que la formule “rappeler quelque chose à quelqu’un”. Car ce n’est que le passage de la mémoire individuelle (qui repose sur l’expérience), à la commémoration qui rend possible une définition collective répondant à des exigences normatives. Le collectif ne peut pas se souvenir, il ne peut que commémorer. Or même le débat sur le 8 mai en tant que “journée du souvenir” est depuis longtemps dépassé. Il y a quarante ans, en Allemagne, la discussion portait sur les termes “défaite” et “libération”, afin de déterminer quel regard il fallait, rétrospectivement, porter sur la fin de la guerre.
Comme si la volonté d’étiqueter l’événement historique sous un concept unique pouvait se révéler fructueuse, on se disputait afin de savoir lequel des deux termes était le plus adapté. Ce qui a entraîné une autre question, celle de savoir si la date du 8 mai était appropriée pour un jour du souvenir allemand, ce qu’il a été en République démocratique allemande (RDA) de 1950 à 1967, et en 1985. Dans le Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, le Brandebourg, le Schleswig-Holstein et à Hambourg, il est entre-temps devenu un “jour du souvenir” officiel. Et à Berlin il l’a été une fois, en 2020 [et devrait être exceptionnellement férié cette année, à l’occasion des 80 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale].
“État ennemi vaincu”
Il en va différemment dans les autres pays d’Europe, ce qui paraît normal. Aux Pays-Bas, par exemple, c’est le 5 mai que l’on marque le Bevrijdingsdag, le “jour de la Libération” ; tandis qu’en Russie, le 9 mai est célébré comme le “jour de la Victoire”. Dans les deux cas, la logique est claire. On peut célébrer des