Trois mètres de houle, des vents à plus de 60 km/h. La traversée de la Méditerranée n’a pas été de tout repos pour les deux équipages de l’opération Casabianca qui ont rejoint le port de Cargèse, mercredi 7 mai, après deux jours de navigation.

Une mission symbolique en hommage au sous-marin et à son équipage, héros de la libération de la Corse dont le champ d’action s’est déroulé entre le port militaire de Toulon et l’anse de Topiti à Cargèse.

À bord de deux voiliers, six officiers de l’École de guerre et six jeunes orphelins de militaires ont embarqué pour une traversée hors du commun avec pour objectif de revivre une page héroïque de l’Histoire, celle du célèbre sous-marin Casabianca.

Le capitaine de Corvette Charles, stagiaire à l'école de guerre et à l'initiative de l'opération Casabianca.Le capitaine de Corvette Charles, stagiaire à l’école de guerre et à l’initiative de l’opération Casabianca. Eric Cullieret

Navigation, manœuvres, souvenirs. L’immersion fut totale afin de recréer l’esprit d’équipage et transmettre des valeurs de solidarité.

« J’aimerais m’engager et intégrer St-Cyr, l’école des officiers de l’armée de Terre »

« Cette aventure maritime a trois objectifs : mémoriel, solidaire et sportif. Le côté mémoriel nous a fait venir à Cargèse, pour suivre les traces du sous-marin Casabianca, qui a participé à la libération de la Corse en août 1943. Il a conduit sa première opération clandestine juste à côté de Cargèse, dans l’anse de Topiti », explique le capitaine de Corvette, Charles, officier de marine et stagiaire à l’École de guerre. À l’initiative du projet, ce dernier, entouré de ses cinq autres membres d’équipage, gère les derniers préparatifs à quai avant de prendre la direction de l’anse de Topiti.

Manivelles, bouts, amarres, pare-battages, chacun doit prendre soin du matériel même après une nuit en mer agitée. Une première belle aventure en haute mer pour Thomas, étudiant de 24 ans et orphelin de guerre depuis 2016. « Actuellement, je suis réserviste au 3e régiment de parachutistes d’infanterie de marine à Carcassonne et j’aimerais m’engager et intégrer St-Cyr, l’école des officiers de l’armée de Terre. Vivre cette expérience avec des officiers de l’École de guerre qui sont St-cyrien c’est une véritable opportunité ».

Même rêve pour Florian, âgé de 23 ans, qui a perdu son père en 2018. Passionné par le milieu marin, il vise l’école navale. « J’ai beaucoup de liens avec l’Entraide marine qui apporte son soutien aux familles d’orphelins, notamment au niveau des bourses ou d’opérations militaires. J’avais déjà fait le retour d’une mission Jeanne-d’Arc ».

Thomas, 23 ans, étudiant en école d'ingénieur, orphelin de guerre.Thomas, 23 ans, étudiant en école d’ingénieur, orphelin de guerre. Eric Cullieret »La libération de la Corse a commencé ici »

Élus, familles et militaires se sont rassemblés autour de la stèle érigée en hommage au Casabianca, récemment déplacée et restaurée en 2022 pour une meilleure visibilité depuis la route. Une cérémonie sobre mais émouvante s’est tenue, avec un dépôt de gerbe du maire de Cargèse, François Garidacci.

La plaque rappelle notamment le rôle crucial de Toussainte Angeletti, dite Santa di Notte, qui a accueilli et protégé les membres de l’équipage, à quelques mètres d’une patrouille italienne. Son petit-fils a offert le terrain où se dresse désormais le monument commémoratif.

« Il est dommage que cette commémoration ne se tienne pas chaque année et qu’elle attire si peu de monde », regrette Charles Capomacci, arrière-petit-fils de Santa di Notte, ému de participer à cette cérémonie symbolique. « C’est ici que la résistance pour la libération de la Corse a véritablement commencé ».

L'hommage au sous-marin Casabianca devant la stèle de l'anse de Topiti.L’hommage au sous-marin Casabianca devant la stèle de l’anse de Topiti. Eric CullieretL’histoire du Casabianca : sept missions secrètes en Corse

Entre décembre 1942 et septembre 1943, le Casabianca effectue sept missions clandestines en Corse, alors occupée par les Italiens et les Allemands. Il transporte des armes, des agents secrets et, surtout, il prépare l’insurrection locale.

La première opération a lieu dans l’anse de Topiti, près de Cargèse, en décembre 1942. C’est le début d’une collaboration avec les résistants corses. Le sous-marin devient leur lien vital avec Alger.

Le 13 septembre 1943, après l’annonce de l’armistice entre l’Italie et les Alliés, le Casabianca débarque une unité de commandos français à Ajaccio, marquant le début de la libération de l’île. En quelques semaines, la Corse devient le premier territoire français libéré, grâce à l’action conjointe des résistants, du Casabianca et des forces alliées.

Après la guerre, le Casabianca devient un symbole de la Résistance et de la libération de la Corse. Son commandant, Jean L’Herminier, blessé et resté volontairement à son poste malgré une grave maladie, est élevé au rang de héros national.

Le sous-marin est désarmé en 1956. Une partie de sa coque est conservée à Bastia.

La stèle érigée en hommage au Casabianca.La stèle érigée en hommage au Casabianca. Eric Cullieret