Porter des matériaux, enduire des murs… À 17 ans, Mehdi a cru que c’était sa vocation.  » J’étais en CAP bâtiment mais je me suis rendu compte que je n’aimais pas être sur les chantiers », confie ce Niçois discret.

Lundi 5 mai, dans les cuisines du Centre de formation d’apprentis (CFA) de Carros, le gaillard pèse du sucre, enduit du chocolat pour bâtir… un royal! « Un gâteau avec croustillant praliné, mousse chocolat noir et glaçage miroir », décrit-il, goûtant  » l’ambiance zen » de ce nouveau cadre.

Ce virage à 180 degrés, c’est l’École de la deuxième chance Nice Côte d’Azur (E2C), structure de l’État qui aide les 16 – 25 ans en décrochage à se réinsérer dans la vie active, qui lui a permis de l’engager. Faire un CV, travailler son savoir être, passer son permis, se remettre à niveau dans des matières…

À Nice, l’établissement aide 200 jeunes par an (1), en leur faisant aussi découvrir des métiers. Cette fois, elle s’associe à la Fondation Valrhona, célèbre chocolatier de la Drôme, et propose à sept de ses stagiaires « Graines de pâtissier », une plongée dans la création de gourmandises.

Un défi final façon « Top Chef »


Le chef Richard Vacher, enseignant au CFA de Carros, a transmis les techniques clés aux stagiaires. Photo Dylan Meiffret.

Depuis 3 mois, les apprentis mitrons ont ainsi été immergés dans le monde de la pâtisserie. « Nous leur avons notamment proposé une remise à niveau en maths car les grammages, les pourcentages sont des notions clés du métier », détaille Pamela Poirisse, directrice adjointe de l’E2C.

À cela s’ajoutent un stage en entreprise et 8 sessions d’apprentissage techniques au fourneau, sous la houlette du chef Richard Vacher, enseignant au CFA de Carros.

Cerise sur le gâteau: la formation s’achevait ce lundi par une dose d’adrénaline. Un concours où chaque stagiaire présentait son gâteau devant un jury de pro.

Maryse en main, Paul, 20 ans, délie son chocolat blanc « mis au point » pour en faire des feuilles « bien brillantes », destinées à décorer sa tarte leetchi-framboise. Rien à voir avec les études en cybersécurité que ce Grassois a laissé derrière lui en décembre.

« Pas mon truc… Alors, je me suis rapproché de la Mission locale qui m’a aiguillé sur l’École de la 2e chance. Avec Graines de pâtissier, je renoue avec ce qui m’a toujours plus, en fait… Petit, je cuisinais avec mes parents, j’ai toujours aimé avoir les mains dans la pâte… et regarder Top Chef ou Le meilleur pâtissier à la télé! », s’enthousiasme le jeune homme, très appliqué.

À ses côtés, Osato, 24 ans, a dit au revoir à son passé de caissière et de femme de chambre, sans regrets. Face à un plan de travail nickel, elle file vérifier son lait sur le feu puis l’ajoute à son appareil à crème chiboust, une préparation technique comme on en trouve dans les saint-honorés.

« Je fais de mon mieux! », glisse, un brin stressé, celle qui se passionne désormais pour « le côté créatif de la pâtisserie » et souhaite continuer dans cette voie dès l’année prochaine.

Comme Guilian, pas transcendé par son bac STMG ressources humaines, qui bifurquera dès juillet en CAP à Saint-Laurent-du-Var et poursuivra sa formation technique à la pâtisserie Lassalas de Beaulieu, où il s’est régalé en stage.

Ou encore Landry, déçu de la fac, venu de Vendée pour intégrer la session. Lui vise le CAP de Carros… et parle de son cake choco-framboise comme un poème. « Je l’ai voulu moelleux comme le gâteau nuage que faisait mon arrière-grand-mère, Denise. Le plus important quand on croque dans un dessert, ce sont les souvenirs qui s’invitent et donnent le sourire », lance-t-il.

C’est en se rappelant l’enfance, justement, que Sarah-Lyne, 20 ans, a, elle aussi, quitté les bancs de la fac de psycho en février pour renouer avec ses rêves de collégienne.

En pleine réalisation d’un fraisier au cordeau, elle préfère « s’amuser que gagner ». Lundi, c’est pourtant elle que le jury a couronnée après dégustation des douceurs des 7 « Graines de pâtissiers ».

En juillet, elle rejoindra les autres lauréats français du concours pour un stage à l’école Valrhona de Tain-l’Hermitage (Drôme) à la découverte des secrets de la transformation du chocolat.

« Lancé en 2017, le défi a permis à 545 jeunes de s’initier à la pâtisserie, dont 53% se sont insérés dans le métier, détaille Camille Colomb, cheffe du projet. Le concours final n’est qu’un plus. Le but, c’est que les participants reprennent confiance en leurs capacités. Et à voir ce qu’ils ont réalisé, en mobilisant des techniques de fin de CAP, c’est gagné! », conclut-elle.

(1) Inscription possible tout au long de l’année. Infos sur E2cnicecotedazur.fr