“Si on ne le fait pas aujourd’hui, on ne le fera jamais.” Philippe Kehren, PDG du groupe de chimie belge Solvay, n’aurait pu imaginer un meilleur moment que ce début du mois d’avril pour inaugurer la nouvelle ligne de recyclage de terres rares de son usine française de La Rochelle. Quelques jours plus tôt, en réaction aux droits de douane américains, la Chine avait en effet annoncé réduire considérablement ses exportations de terres rares. Pour ceux qui avaient encore des doutes, le réveil est brutal : Pékin contrôle d’une main intransigeante l’approvisionnement mondial de ces matières premières stratégiques et n’hésite pas à s’en servir comme d’une arme de guerre commerciale.
Fièvre protectionniste, insécurité géopolitique croissante : dans le contexte actuel, l’Europe doit reprendre en main l’approvisionnement et le raffinage des terres rares, explique M. Kehren aux investisseurs, journalistes et représentants des pouvoirs publics qui sont présents. Dans cette ville pittoresque du littoral atlantique, une ville pétrie d’histoire au patrimoine magnifiquement préservé, Solvay entend bien contribuer activement à écrire l’avenir.
Depuis le 8 avril, le géant belge de la chimie y recycle des aimants permanents usagés pour en extraire des terres rares, du néodyme et du praséodyme, qu’il revend ensuite à des fabricants d’aimants permanents. Indispensables à la transition énergétique, ces aimants servent notamment à fabriquer des moteurs électriques et des éoliennes en mer. Selon le site Internet de Solvay, l’installation implantée de longue date à La Rochelle, avec ses 40 hectares et sa kyrielle de bâtiments, dont certains hangars en tôle ondulée rouillée sont aujourd’hui désaffectés, est à ce jour la principale usine de terres rares hors de Chine et la seule usine d’Europe capable de produire à l’échelle industrielle des terres rares aussi bien légères que lourdes.
Le boom des voitures électriques et des éoliennes
Des aimants réduits en poudre y sont acheminés dans de gros sacs. Les terres rares qu’ils contiennent sont extraites à l’aide de solvants dans les centaines de cuves en acier inoxydable, reliées par un dédale de tuyaux, qui occupent un vaste bâtiment. Progressivement, les terres rares sont ainsi séparées et purifiées jusqu’à obtention d’un liquide coloré, lequel est ensuite cristallisé. Une toute petite bouteille de la poudre d’oxydes de terres rares obtenue pèse diablement lourd pour son volume.
Sur ce site qui emploie 300 personnes, cela fait des années que Solvay raffine des terres rares comme le cérium, utilisé dans les catalyseurs automobiles pour réduire la toxicité des