Autour de la machine à café, le sujet est inépuisable – notre rédaction peut en témoigner. Les rues de la ville sont-elles propres ? Peut-être une affaire de perception. C’est en tout cas l’avis de l’Association des villes pour la propreté urbaine (AVPU). Chaque année, elle décerne les étoiles de son label « éco-propre ». Rennes, en la matière, n’est pas loin du firmament. Elle vient de recevoir son 4e astre et se trouve désormais aux portes du club très sélect des communes qui en ont cinq, la note maximale. Les stars : Saint-Brieuc, Niort, Metz, Nice et Cannes.
La municipalité rennaise s’est aussitôt félicitée de ce coup de projecteur qui « récompense ses efforts et ses performances ». Son plan Propreté global a séduit le jury. Voté en 2018 et reconduit en 2022, il s’appuie sur quelque 120 agents municipaux qui, de 4 h 30 à 19 h, balaient les pavés, vident les poubelles publiques et ramassent les dépôts sauvages. La Ville mise aussi sur la prévention auprès des habitants. Parmi les mesures concrètes : distribution en novembre 2024 de cendriers de poche dans les bureaux de tabac, convention avec McDonald’s pour réduire les emballages, participation au World clean up day…
La saleté, « une question très subjective »
La nouvelle a fait sourire (jaune) quelques habitants. Sur les réseaux sociaux, l’étoile a été accueillie par une flopée de commentaires acerbes soulignant l’état des rues. Notamment dans le centre-ville où certains s’émeuvent de devoir slalomer entre les déjections canines devant des murs recouverts de tags. Sombre tableau, nuancé par quelques internautes remerciant, au passage, les agents municipaux pour leur travail quotidien. De quoi rappeler au bon souvenir des élus ce sondage de 2018 : un Rennais sur quatre trouvaient la ville trop sale à l’époque.
Ce scepticisme vient sans doute d’un malentendu. Ce label éco-propre signifie-t-il que les municipalités récompensées sont des fées de la voirie ? « Non », répond Hervé Guillaume, président de l’AVPU. « Nous ne jugeons pas un état final. » Ce Breton a fondé il y a quinze ans l’association qui compte aujourd’hui 280 villes, dont les plus grandes de France. « À l’époque, je travaillais avec des services propreté un peu partout. Je trouvais qu’il fallait une méthodologie pour objectiver les choses car la saleté est une question très subjective. »
La propreté est « une affaire collective »
L’AVPU revendique être la seule de l’Hexagone à labéliser les communes dans ce domaine. Ceci à partir, d’abord, d’« Indicateurs objectifs de propreté ». Chaque ville sélectionne un panel de rues représentatives et quantifie, une fois par mois, ce qu’elle y trouve. Emballages, « oublis » canins, mégots, graffitis, affichage sauvage… Les données sont ensuite transmises à l’association, qui analyse les données. Voilà côté chiffres. Mais la mise en place de ces campagnes de mesure ne permet d’obtenir que la première étoile.
L’AVPU a un postulat : une ville n’est pas sale, elle est salie par ses habitants. « À partir de là, soit une ville se contente de nettoyer, ce qui coûte de plus en plus. Soit elle met aussi en place des actions de prévention pour qu’à terme, il n’y ait plus besoin de le faire », estime Hervé Guillaume. « Par provocation, je dis parfois que lorsqu’on doit envoyer un balayeur, c’est un aveu d’échec ! » Rennes vient donc d’être récompensée avant tout pour sa politique de prévention. Et Hervé Guillaume l’assure : pas de copinage avec le jury, composé de dix élus de toute la France et autant d’agents. « Chez nous, c’est comme l’élection du pape : il faut deux tiers des voix pour qu’un dossier soit validé. »