Elle aura 2 000 ans en 2033 mais l’Église catholique vient à nouveau de surprendre le monde blasé et cynique qui n’en peut plus de compter ses guerres. Quel autre organisme, aussi ancien et enraciné, peut-il se prévaloir d’une telle capacité de résilience ? À l’heure où ceux qui occupent la fonction de chef d’État démontrent à quel point la planète manque de leader charismatique, la créativité de l’institution romaine, digne par ailleurs de tant de critiques, ne doit pas manquer de faire réfléchir.

On aurait peine à trouver meilleur profil. Un homme qui « coche toutes les cases », là est la force de cet organe mondialisé avant l’heure que représente l’Église de Rome. Cette incroyable richesse confère au 267e pape une stature qui impose d’emblée le respect. C’est peu dire qu’il y a dans cet « anti-Trump » impromptu, ce qui n’est sûrement pas l’objectif premier des cardinaux qui l’ont élu, une sorte d’évidence immanente, comme une réponse alternative au désordre du monde.

Quand le futur Léon XIV s’opposait à JD Vance

Du reste, au mois de février dernier, le cardinal Prevost, futur Léon XIV, et le vice-président des États-Unis, J.D. Vance, ont déjà eu l’occasion de s’opposer sur un sujet théologique majeur. Alors que M. Vance prétendait que saint Augustin avait instauré un « ordo amoris », un ordre de l’amour qui supposait que l’on aime d’abord sa famille, puis ses voisins, puis ses concitoyens, bref que l’immigré et l’étranger devaient venir en dernier, le cardinal, qui a été, de surcroît, élevé dans la pensée augustinienne, lui a clairement rétorqué qu’il n’existait aucune hiérarchie dans l’amour universel et inconditionnel répandu par Jésus Christ.

Que sera l’empreinte géopolitique de Léon XIV au cœur d’un monde en furie ? Les papes ont joué un rôle important dans les relations internationales. Par des gestes souvent discrets, et parfois décisifs. En 1962, au plus fort de la crise des missiles à Cuba, Jean XXIII est intervenu, avec succès, pour empêcher une guerre nucléaire entre Washington et Moscou. Jean-Paul II, quant à lui, a joué un rôle central dans la chute du communisme, en soutenant le syndicat Solidarność, en Pologne.

Le Saint-Père sur une ligne de crête

Quant au pape François, il a poursuivi cette très longue tradition diplomatique, mais à sa manière. Il voulait que l’Église soit la voix des oubliés, de ceux qui sont loin du pouvoir. C’est ce qui lui a valu son surnom de « pape des périphéries ». D’origine argentine, pays né de l’immigration, François a rompu avec la logique Est-Ouest en privilégiant une lecture Nord-Sud des grands enjeux mondiaux. Mais Léon XIV marchera sur une ligne de crête. Il poursuivra sûrement le sentier tracé par François, mais il s’efforcera probablement de corriger certaines de ses erreurs.

En Ukraine, François a refusé de s’enfermer dans une logique de camp : il a bien sûr dénoncé la guerre, mais sans désigner clairement la Russie comme l’agresseur – du moins au début. Une position largement critiquée. Malgré ses appels répétés à la paix, les résultats de la diplomatie du pape François sont restés maigres.

Quels liens désormais avec Pékin ?

Autre dossier sensible pour le nouveau pape : en 2018, le Vatican a signé avec Pékin un accord sur la nomination des évêques, afin d’assurer une présence catholique en Chine. Certains y ont vu une concession face à un régime autoritaire. Pour François, il s’agissait avant tout de maintenir une présence catholique en Chine. Il préférait un pied dans la porte plutôt qu’une porte fermée. Au total, Léon XIV a du pain sur la planche – et il semble en être très conscient.