Cette semaine, nous recevons François-Xavier Bellamy, député européen (LR) et vice-président du Parti populaire européen au Parlement européen. Renforcement de la défense européenne, politique migratoire et unité des Vingt-Sept, il commente les défis à relever par l’Union européenne. 

L’Allemand Friedrich Merz, président du Parti démocrate-chrétien, parti de droite, a été élu chancelier dans la douleur. À la surprise générale, un second tour de scrutin au Bundestag a été nécessaire pour que les députés le portent au poste de chef du gouvernement. Cette situation inédite illustre la fragilité du chancelier allemand et de sa coalition.

« Il a été élu assez largement pour avancer »

François-Xavier Bellamy, député européen au sein du Parti populaire européen (PPE), dans lequel le parti de Friedrich Merz siège, voit cette élection comme un tournant dans la relation franco-allemande : « Il a été élu assez largement pour avancer. Comment est-ce que nous avançons dans la reconstruction d’un dialogue franco-allemand solide et sérieux ? Olaf Scholz avait été extrêmement en deçà de ce que nous devrions pouvoir attendre d’un chancelier allemand. Il a été très peu engagé dans cet échange franco-allemand. » Il critique la gestion politique du précédent chancelier : « Il s’agissait d’une Allemagne qui avait décidé, d’une certaine façon, de privilégier de manière très inconséquente ses intérêts de court terme. »

Le couple franco-allemand est considéré comme le moteur économique de l’UE. Le futur chancelier a décidé d’investir massivement dans la réfection des infrastructures et la défense de son pays avec un plan à hauteur de 1 000 milliards d’euros. « Un mouvement très audacieux », selon François-Xavier Bellamy. « L’Allemagne va relancer son économie et pour nous Français, c’est un défi », affirme le député européen, également vice-président exécutif du parti Les Républicains en France

« L’Allemagne peut faire ce travail car elle a aujourd’hui 64 % de dette sur son PIB. La France, elle, ne peut évidemment plus s’autoriser un endettement supplémentaire. Elle s’endette depuis trop longtemps avec une dette qui ne sert qu’à fonctionner, pas à investir, à faire tourner un modèle social structurellement déficitaire et un État structurellement impécunieux », ajoute-t-il. 

À savoir si la France sera toujours le maillon faible du couple franco-allemand, il reste optimiste : « Je ne l’espère pas. Je crois qu’il faut demain une alternance en France pour permettre d’installer à la direction de notre pays un gouvernement qui soit enfin lucide sur ces enjeux budgétaires. […] Je ne crois pas, comme le disait Emmanuel Macron, que la France ait un problème de manque de recettes. Je crois qu’elle a un problème d’excès de dépenses publiques. […] La relation avec l’Allemagne va être marquée par la tension très forte que représente cette divergence profonde de notre trajectoire budgétaire. »

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« Il faut apporter des réponses à la crise migratoire en Europe »

Lors de sa campagne comme candidat à la chancellerie, Friedrich Merz a tenté de s’appuyer sur les voix de l’extrême droite pour faire adopter une proposition de loi visant à restreindre l’immigration, une première depuis l’après-guerre. Une alliance qui aurait poussé certains députés sociaux-démocrates à ne pas voter pour lui. « Ce qui lui a été reproché, c’est que l’AfD vote en faveur d’un texte que la CDU (le parti de Friedrich Merz) avait proposé. Il y a quand même un moment où nous rentrons dans une relation à la démocratie qui me paraît au moins discutable. Cela veut dire que nous devrions nous sentir coupable que des gens qui ont été élus par les citoyens et qui siègent valablement au sein d’un parlement votent en faveur du texte que vous proposez ? », s’indigne François-Xavier Bellamy. « C’est absolument scandaleux que cela puisse devenir un sujet d’accusation politique. »

Il défend également la possibilité de voter des textes proposés par l’extrême droite : « Au Parlement européen, le PPE a voté en faveur de plusieurs amendements qui étaient déposés par le groupe du Rassemblement national. » Cela s’applique notamment au sujet de l’immigration : « Quand le contenu est le même que celui que nous défendons, nous n’allons pas faire semblant de voter contre nos propres positions lorsqu’il s’agit, par exemple, d’amendements qui disent la nécessité de financer avec le budget européen des infrastructures physiques de protection des frontières. » 

Le député européen préconise une politique migratoire stricte : « Le déni de réalité pèse encore de tout son poids sur les questions migratoires. Il faut apporter des réponses à la crise migratoire que l’Europe connaît depuis longtemps maintenant et à l’impuissance de l’Europe sur ces questions. » « Nous défendrons au Parlement européen, comme, je l’espère, la nouvelle coalition allemande défendra en Allemagne, des mesures déterminées pour renforcer nos pays sur le sujet migratoire. […] C’est ce que je défendrai en étant représentant de mon groupe sur la directive retour », prévient-il. 

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« Si nous voulons une alliance forte, il faut que nous soyons des alliés forts »

Alors que le sujet du renforcement de la défense européenne est au cœur des discussions dans l’UE, François-Xavier Bellamy travaille sur le programme européen d’investissement dans le domaine de la défense (EDIP). Le texte a été adopté par le Parlement, avec un budget proposé de 1,5 milliard d’euros. « Nous proposons que l’Europe investisse dans des équipements de défense pour soutenir nos armées nationales, à condition que ces équipements soient au minimum fabriqués à 70 % de composants européens. Nous souhaitons que les Européens aient une autorité de conception, que les produits soient conçus en Europe et que ces produits ne soient pas soumis à des licences juridiques extra européennes », détaille-t-il, après ce constat de dépendance : « L’an dernier, les pays européens ont collectivement acheté 79 % de leur équipement militaire en dehors de l’UE, dont une partie massive aux États-Unis. […] Peut-être un peu par paresse collective. L’idée était que nous n’avions pas besoin d’investir nous-mêmes dans notre sécurité, puisque s’il nous arrivait quoi que ce soit, les États-Unis viendraient nous défendre », poursuit-il. 

Face à des Américains qui menacent de se désengager de l’Otan et qui mènent une guerre commerciale à l’encontre de leurs principaux partenaires économiques, François-Xavier Bellamy reste sur ses gardes : « L’élection du président Trump et le discours qu’il tient désormais met l’Europe toute entière devant sa responsabilité. Les Américains sont nos alliés. Je crois qu’ils le resteront. Mais ils ne sont pas nos suzerains et nous ne sommes pas leurs vassaux. Si nous voulons une alliance forte, il faut que nous soyons des alliés forts et que nous soyons capables de nous défendre par nous-mêmes. » 

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« L’État de droit, c’est d’abord le respect de la démocratie »

Alors que le manque d’unité est de plus en plus criant au sein des États membres, il rappelle sa vision de l’UE : « L’État de droit, c’est d’abord le respect de la démocratie. C’est fondamental. […] L’Europe, c’est une civilisation qui a 25 siècles d’histoire et qui porte avec elle un engagement autour de principes essentiels qui lient nos pays de manière absolument déterminante », conclut le vice-président du Parti populaire européen.