Par

Thomas Corbet

Publié le

9 mai 2025 à 17h31

Court-circuitant les médias classiques et les méthodes traditionnelles, le rugby bascule peu à peu dans une nouvelle ère de communication. En s’appuyant notamment sur les réseaux sociaux et les plateformes de streaming où émergent déjà quelques figures s’étant fait un nom et construit une communauté de fidèles. Ton volontairement décalé, légèreté, sans oublier de connaître le sport : Actu Rugby est allé à la rencontre d’Aymeric Milan, le streamer de la chaîne PoneeeyClub auquel fait régulièrement appel la FFR. Des terrains des Yvelines à la pelouse du Stade de France en passant par Saint-Pierre-et-Miquelon, par ici la visite !

Voici Aymeric Milan, streamer rugby de la chaîne PoneeeyClub

Le rugby vit avec son époque. Sur les terrains, où il n’hésite pas à faire changer ses règles pour tenter par exemple de protéger au mieux ses acteurs, mais aussi en dehors, en s’ouvrant peu à peu à de nouveaux modes de communication favorisés par les réseaux sociaux et les plateformes vidéo en tous genres. 

Dans ce nouveau paysage où chacun peut désormais, pour peu qu’il en ait l’envie et/ou les compétences, partager ses avis et contenus, a émergé une nouvelle catégorie d’acteurs : les fameux streamers, qui se filment en direct en train de regarder et commenter des matchs, ou encore en train de jouer à un jeu vidéo. Et parmi eux, Aymeric Milan et sa chaîne PoneeeyClub.

Rien à voir avec les arts équestres, soit dit en passant, plutôt un clin d’œil à ceux qui se trimballent une charrette sur les terrains de France et Navarre. Un canal par ailleurs né lors de la pandémie de Covid.

« Avant j’étais auteur, j’ai été animateur, réalisateur, auteur en radio, puis après auteur en télé, puis auteur sur le web, je créais par exemple des concepts pour YouTube, etc. Puis il y a eu le premier confinement, moins de travail, donc je me suis mis au streaming », explique Aymeric à Actu Rugby. 

« Lors du deuxième confinement, je m’y suis mis un peu plus régulièrement avec une idée derrière la tête, sans non plus m’enflammer, mais avec une idée de tenter un truc. C’était d’abord axé jeux vidéo, parce que c’est Twitch. Et petit à petit, comme d’un côté je faisais Bureau Ovale sur YouTube, il m’est venu l’idée d’emmener ça sur Twitch », poursuit-il.

Collaboration avec la FFR

Lui qui fut « probablement le premier à emmener le rugby et être spécialisé sur Twitch », au moins en France, arrive aujourd’hui à vivre des revenus générés. Grâce à une communauté de plusieurs dizaines de milliers d’abonnés suivant ses sessions jeux vidéo, ses analyses ou ses « viewing parties » où il regarde et commente des matchs en direct (sans diffusion des images réservées aux diffuseurs).

Son ton libre et décalé, sa gouaille, lui ont même permis d’être repéré par les instances dirigeantes du rugby français, puisqu’il collabore aussi bien avec la LNR qu’avec la FFR. Récemment, il fut invité sur la pelouse du Stade de France pour animer l’avant-match de France – Écosse pendant le Tournoi des 6 Nations.

« Ça doit faire 2-3 ans que je bosse parfois avec la Fédé. C’est arrivé parce qu’on commentait les matchs de l’équipe de France avec Rivenzi (un autre streamer, ndlr) et ça a commencé à prendre un petit succès parce que les gens se rassemblent, il y a un truc ultra sympa pour tous les gens qui sont seuls chez eux. En fait, on n’est pas tout seul, on est tout seul à 1000, on est seul à 2000 dans un chat, on peut intervenir, on peut échanger. On parle rugby avec des gens qu’on n’aurait jamais rencontrés, ça crée un vrai truc, un vrai lien », s’enthousiasme Aymeric.

« Ça a commencé à faire des chiffres, du coup, la FFR s’est intéressée à nous pour animer au moment de développer leur Twitch. Ils ont pensé à nous pour animer les émissions en bord terrain avant les matchs », détaille-t-il.

Quand j’ai démarré, il y avait 200 personnes sur les directs, c’était déjà bien à l’époque, j’étais content. Aujourd’hui, tous les lundis je rassemble 2000 personnes en instantané. Je n’imaginais même pas en vivre, ça devait être temporaire ! Alors me retrouver sur la pelouse du Stade de France à faire le con en kilt…

Aymeric Milan
Streamer rugby

Faire vivre le rugby autrement

Faites quelques chose et vous aurez toujours contre vous ceux qui voulaient faire la même chose, ceux qui voulait faire le contraire et ceux qui ne voulaient rien faire.

Cette évolution dans le mode de communication autour du rugby n’est elle-même pas sans rencontrer quelques réticences. De la part de ceux qui n’y entendent pas grand chose, ou de la part de ceux, médias traditionnels compris, qui craignent que l’on vienne marcher sur leurs plates-bandes. 

Aymeric Milan animant l'avant-match d'une rencontre du XV de France pour le compte de la FFR lors du Tournoi des 6 Nations.
Aymeric Milan animant l’avant-match d’une rencontre du XV de France pour le compte de la FFR lors du Tournoi des 6 Nations, ici avec le streamer Nogodi, fils de Nicolas Godignon. (©Photo fournie par Aymeric Milan)

Selon Aymeric, il y a de la place pour tout le monde : « Les gars qui consomment sur Twitch aujourd’hui, en tout cas qui vont sur la chaîne de la Fédération Française de Rugby pour suivre une conférence de presse à 10h du mat’, ils vont les lire les articles. Ils sont déjà dedans, en fait, on ne vole pas le lectorat. Il faut y aller doucement et il faut respecter le travail de tout le monde, mais je pense qu’on est un plus, on est ensemble, on défend la même crèmerie. Et ça, parfois les diffuseurs mettent un peu de temps à le comprendre. »

J’essaie juste de leur faire comprendre que je vous jure, je fais prendre des abonnements Canal. Je suis convaincu de ça parce qu’on me le dit et je ne vois pas pourquoi on me mentirait là-dessus. Donc on donne envie à des gens qui ne suivent que le XV de France sur France 2 de prendre un abonnement Canal pour regarder le Top 14 parce qu’on leur a vendu une histoire, un truc, des joueurs et on a éveillé leur curiosité.

Aymeric Milan
Streamer rugby

« Pendant trop longtemps, quand j’étais petit, on disait juste que le rugby c’est le combat, c’est se rentrer dedans. Pour y avoir joué toute ma vie, je ne dis pas que je maîtrise le jeu, mais je vois la complexité de ce jeu. Et je trouvais qu’on manquait de clés de compréhension à donner au plus grand public », estime le streamer.

« Quand je regarde la F1 et qu’on m’explique l’aspiration, etc, quand on m’explique le peloton dans le Tour de France, les phénomènes, je comprends comment un mec, maintenant, arrive à s’économiser. En fait, si tu ne m’expliques pas, je ne vais pas le comprendre. Et il se trouve que pour le rugby, on a aussi ce retard-là. Ma première idée, c’était de vulgariser un peu ce sport qui est hyper complexe, même pour les joueurs. Et qui est un sport de fous, qui change de règles tous les ans. Donc il faut bien expliquer clairement aux gens plusieurs fois, pour le rendre sexy et pour transmettre un peu l’amour qu’on a pour ce jeu », poursuit-il. 

Et de défendre son style et son ton résolument tourné vers la gaudriole : « Tout le monde ne peut pas se marrer. Je comprends, je suis un peu un lourdaud, je le sais, je sais ce que je dégage et je sais ce que je fais. Mais encore une fois, on défend la même crèmerie, on a juste des manières différentes de le faire. Et moi, je ne suis pas journaliste, je ne suis pas analyste. »

« Je travaille pour éviter de dire des énormes saucisses. Donc oui, je lis des bouquins de coachs néo-zélandais, je regarde des podcasts qui se font à l’étranger pour essayer de comprendre comment ils pensent le jeu, pour éviter de dire trop de saucisses. On en dit forcément, mais je ne suis pas un analyste, je ne suis pas un journaliste. Je suis un animateur, je suis un streamer, je suis créateur de contenu autour du rugby. En tout cas, j’essaie de transmettre une passion », clame Aymeric.

Sur le terrain aussi bien qu’en dehors

S’il vit pleinement sa passion du rugby hors du terrain grâce à son activité de streamer, Aymeric tente encore tant bien que mal, en tout cas à l’entendre, d’en profiter encore sur le terrain du haut de ses 39 ans.

« Toute ma jeunesse, je ne m’étirais pas, comme un imbécile, maintenant j’ai compris… Je joue encore en loisir, en « folklo », j’ai basculé. Un entraînement par semaine, un match de temps en temps, un gueuleton, c’est parfait. J’ai l’esprit, j’ai un peu le rugby et je n’ai plus les contraintes. Je me sens encore à peu près bon, mais c’est peut-être parce que le niveau a baissé », s’esclaffe-t-il. 

Capable d’évoluer du 9 au 15, en tout cas à certaines époques de sa carrière, il reste l’indétrônable couteau suisse de l’URC 78 à Saint-Quentin-en-Yvelines (il a aussi joué une année au SPM XV de Saint-Pierre-et-Miquelon) bien qu’il se décrive lui-même comme « un peintre en défense ». 

Pas encore de quoi l’ériger au niveau de l’Argentin du Stade Toulousain Juan Cruz Mallía donc… « Moi je suis plutôt Jean Crozet Mallia », plaisante Aymeric dans une dernière boutade. 

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