Une expérience unique. À l’initiative de la journaliste culinaire Tiana Salles, la villa Rocabella, au Pradet, a ouvert ses portes pour une résidence culinaire accueillant cinq cheffes. Réunies depuis la semaine passée, elles ont proposé un premier dîner en six temps samedi dernier, suivi d’un brunch le dimanche, avant de remettre le couvert ce week-end. Durant ces deux semaines, les cinq femmes ont travaillé main dans la main pour imaginer leurs menus… Une expérience enrichissante sur le plan professionnel, mais pas seulement.

« On se sent en sécurité, on peut être vulnérable »

« On n’est pas là uniquement pour faire de la cuisine. On partage beaucoup de choses. Il y a une vraie sororité, avec beaucoup d’écoute, d’empathie, de respect et de soutien. On se sent en sécurité, on peut être vulnérable », confie Oriana Zerda Lo. Architecte en Argentine, elle est arrivée en France, du côté de Montpellier, et s’est tournée vers la restauration, comme pour perpétuer un héritage familial, puisque ses parents et grands-parents avaient des établissements en Argentine. Comme ses consœurs, elle a été confrontée à la dure réalité des cuisines: un métier exigeant, encore largement dominé par les hommes. « C’est un métier épuisant, physiquement et mentalement. Il n’y a pas beaucoup de libertés comme femme », plaide-t-elle.

Avant de se lancer à son compte, Lucie Robin a, elle, arpenté les grandes tables parisiennes. « Je me suis rendu compte que j’avais toujours eu du mal avec les chefs, que je trouvais trop vulgaires, désagréables, parfois harcelants. C’était pour moi le moment de me lancer seule. Mais l’entrepreneuriat est aussi quelque chose de très solitaire. J’aimais beaucoup l’idée de venir construire quelque chose à plusieurs et d’apprendre les unes des autres. Le fait que l’on soit uniquement des femmes, c’est assez extraordinaire en cuisine », plaide-t-elle.

Jessica Wang arrive de Seattle (États-Unis). Seule cheffe pâtissière du groupe – avec la particularité de mêler le sucré et le salé dans ses créations –, elle s’est également spécialisée dans les sculptures en sucre. Passée par Le Grand Restaurant à Paris (dirigé par Jean-François Piège), elle savoure cette parenthèse au bord de l’eau, au Pradet. « L’expérience ici est une vraie surprise, et c’est très intéressant même si pour moi ça a peut-être été un peu dur au départ avec quelques difficultés de langage. Nous avons toutes de fortes personnalités, mais très différentes. Nous avons réussi à créer quelque chose de magnifique, qui nous représente toutes. Ça change, car partout dans notre société, et notamment en cuisine, il y a beaucoup de compétition. Ici, non. Nous étions dans une démarche d’entraide. J’ai appris des choses de chacune d’entre nous. »

Prendre le temps

Pour Margot Beck-Pinault, cheffe à domicile en région parisienne, ce rendez-vous en bord de Méditerranée permet de retrouver une certaine quiétude derrière les fourneaux. « On a un temps hors du rythme effréné de la cuisine, qui est très fatigant et laisse peu de place à la réflexion. En prenant le temps, on peut revenir à des cuissons plus douces, à des gestes plus délicats, et respecter davantage les produits », explique-t-elle.

De leur première semaine commune est né un menu végétarien à base de produits locaux qui a ravi les convives. On y trouvait notamment un drapé de courgettes, un artichaut farci, des ravioles aux algues et à la betterave, ou encore, en dessert, un chou à la crème fumée, avec pomme de pin et praliné de graines. « Dans chaque plat, il y a un peu de nous. Nous avons travaillé ensemble sur chaque préparation, sans répartir les tâches. Tout a été fait en symbiose », raconte Lola Regard, à la tête de sa table d’hôtes dans le Loir-et-Cher.

Ce week-end, le voyage culinaire devrait se poursuivre dans les assiettes. Les cheffes, elles, resteront encore quelques jours sur place la semaine prochaine, avant de regagner leurs cuisines respectives. Forcément transformées.

Savoir+

Dîner éphémère à Rocabella, au Pradet. Samedi 10 mai, dès 19h. Dimanche 11 mai brunch sur réservation. Renseignements et réservation sur www.rocabella.fr