C’est une date anniversaire depuis 2006, cinq ans après la loi Taubira ayant reconnu l’esclavage et la traite négrière comme crime contre l’humanité. Tous les 10 mai, la République commémore « les mémoires de la traite, de l‘esclavage et de leurs abolitions ». Pourquoi Brest en 2025 ?

Seules sept « expéditions négrières » au départ de Brest

La raison est d’abord politique. Depuis l’an dernier, décision a été prise de décentraliser l’événement qui se déroulait habituellement dans les jardins du Luxembourg, à Paris. Après La Rochelle l’an passé, Brest a été sollicitée et a « tout de suite » accepté la proposition.

Pourquoi cette ville d’abord connue pour son port militaire quatre fois centenaire (l’an prochain), comme l’a rappelé, ce samedi, son maire, François Cuillandre, et qui « n’est pas comparable à celle des nombreux ports français qui ont, au cours des siècles, tiré profit commercial de l’esclavage » ? Au XVIIIe siècle, en plein essor de ce commerce sans nom, sur 3 321 « expéditions négrières » déclenchées depuis les ports français, « seules sept prirent le départ de la cité du Ponant », a d’ailleurs relevé le Premier ministre François Bayrou.

Nantes, devant Saint-Malo et Lorient

Bien loin derrière Nantes (1 744 expéditions), Le Havre (451), La Rochelle (448) et Bordeaux (419) ou encore Saint-Malo (218 expéditions) et Lorient (137). Comme Vannes, Morlaix et Saint-Brieuc, Brest figure au bas de ce sinistre tableau. Mais la ville a également été associée à plusieurs pages de cette sombre partie de l’Histoire française, a relevé Jean-Marc Ayrault, ancien maire de Nantes et ancien Premier ministre, aujourd’hui président de la Fondation pour la mémoire de l‘esclavage. C’est à Brest que la monarchie fit installer un « dépôt des noirs », en 1777, où étaient provisoirement enfermés les esclaves arrivant sur le continent. C’est aussi ici qu’arrivaient les indemnités, « des tonnes de pièces d’or et d’argent, versées par le peuple haïtien pour le prix de sa liberté ». C’est encore à Brest, dans les casernes de Lambézellec-Pontanézen (les actuelles casernes de gendarmerie mobile) que furent déportés près de 1 500 Antillais, dont beaucoup périrent ici, en 1802 et 1803, quand Napoléon Bonaparte rétablit l’esclavage, huit ans après son abolition.

256 chercheurs et 67 doctorants

« À l’heure où, partout sur la planète, les autocrates menacent les chercheurs et les libertés académiques, remettent en cause l’ordre international fondé sur le droit et manipulent l’Histoire pour servir leurs funestes desseins, la France a plus que besoin de ces moments de mémoire qui nous rappellent ce que nous sommes : une nation de liberté, un pays de diversités présent sur cinq continents », a conclu Jean-Marc Ayrault. Un devoir de mémoire qu’alimentent encore actuellement 256 chercheurs et 67 doctorants, a indiqué le Premier ministre.