Publié le
11 mai 2025 à 6h06
Pourquoi ce livre est-il dédicacé à Rebecca ?
Parce que c’est la transmission. Rebecca, c’est ma petite-fille, qui commence une carrière de comédienne. Elle est tombée dans la bassine toute petite puisque je fais de la télé, sa grand-mère, Dany a été longtemps comédienne elle aussi, sa maman Stéphanie est décoratrice, sa cousine Léa est comédienne également, Marie, son autre cousine fait de la télé aussi, son oncle est le célèbre musicien Jean-Michel Jarre et que son cousin David est magicien. Comme nous, elle appartient à une famille de saltimbanques (rires).
Dans ce livre, on retient que vous vouliez être connu, reconnu, aimé. Un besoin lié à l’enfance ?
On fait tous ce métier pour être aimé des gens, la seule garantie pour durer et ne pas lasser le public. J’ai eu la chance de commencer ce métier à 22 ans. J’étais le petit jeune de l’époque. Cela fait plus de 60 ans que j’ai un rapport simple, chaleureux et très émouvant avec trois générations de Français. La télévision m’a sauvé puisque j’ai eu une enfance compliquée de par ma relation avec mon père et que j’avais sur les épaules le poids de l’illégitimité des cancres. Nul ne guérit de son enfance et j’ai fait toute cette carrière pour montrer à mes parents que je pouvais m’en sortir en étant autodidacte, car les seuls diplômes que je possède ce sont mes brevets de sténodactylo et de pilote d’avion. Je n’ai pas été diplômé à l’ENA comme mon frère Jean, mais par contre j’ai des centaines d’heures d’enregistrements disponibles à l’INA qui me permettront de ne pas disparaître complètement et de laisser une trace.
Dans cet ouvrage, vous parlez de la durée. Avec plus de 60 années d’antenne, vous êtes un recordman ?
C’est vrai, les gens m’ont tout d’abord connu reporter sportif, mes commentaires pour les Coupes du Monde de football ou les Jeux Olympiques entre autres, puis dans le divertissement avec « Tilt », « Les Rendez-vous du dimanche », « Champs-Élysées », « Stars 90 », « Studio Gabriel » et depuis plus de 26 ans aux manettes de « Vivement dimanche ». Je n’ai jamais cessé d’être présent, à la télé ou à la radio. Je suis entré dans bon nombre de foyers et je suis devenu un membre de chaque famille.
Vous êtes à l’origine de la découverte de nombreux talents, mais vous déplorez semble-t-il l’ingratitude de certains artistes ?
Effectivement, ils oublient vite, n’ont pas le devoir de mémoire envers ceux qui les ont mis dans la lumière. Ce que je décris c’est surtout la fidélité, la reconnaissance des plus grandes stars. Ce sont des personnes comme Julio Iglesias, Céline Dion, Jean-Jacques Goldman, Alain Delon et bien d’autres fort heureusement. Ce métier m’a permis de rencontrer des monstres sacrés qui sont devenus pour certains de vrais amis.
On apprend également que vous étiez visiteur dans les prisons ?
Oui, j’ai commencé par la prison de Caen il y a quelques années mais j’ai toujours été discret sur cette démarche. J’ai fait ça pendant deux ou trois années et je me suis rendu dans six ou sept établissements pénitentiaires pour parler aux détenus qui le souhaitaient. Cela m’a été très utile car les prisonniers nous regardent beaucoup en cellule et c’était intéressant d’échanger avec eux sur la vision de mon métier.
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De même, quand j’en aurais le temps, j’envisage de continuer à rendre visite aux anciens, aux seniors qui sont trop souvent oubliés dans les Ehpad.
Vous dîtes aussi que vous privilégiez toujours la sobriété à la vie parisienne ?
C’est sûr. J’ai toujours fait très attention à ma santé et préféré les endives au jambon, les œufs à la coque ou la soupe en sachet (à mes débuts), plutôt que les sorties, le champagne, le caviar, les boîtes de nuit et les paillettes. Une vie bien réglée qui me valait souvent des sarcasmes de la part de Johnny, de Gainsbourg ou de Le Luron. J’ai toujours été plus à l’aise avec les gens anonymes plutôt qu’avec les gens célèbres. J’ai besoin d’avoir un contact très fort avec le vrai public car c’est lui qui fait nos carrières. J’ai toujours eu le goût des autres.
Alors que vous l’avez toujours mis en avant dans vos ouvrages, dans celui-ci vous écrivez ‘Je m’aperçois que mon père n’était pas si exemplaire que ça’. Pouvez-vous nous expliquer ?
Pour moi mon père reste un modèle mais c’est vrai qu’il régnait très souvent une atmosphère anxiogène chez nous en partie à cause de moi et mes contre-performances scolaires. Le docteur Drucker, ses patients s’en souviennent encore, était quelqu’un de très colérique, d’impatient, d’exigeant avec tout le monde. À sa décharge, c’est quelqu’un qui est revenu très marqué, très éprouvé par ce qu’il a vécu pendant la guerre. Il y avait un climat explosif à la maison lorsqu’il était là car c’était quelqu’un qui travaillait énormément. On ne le voyait pas beaucoup car son travail et ses malades passaient avant tout et je dis que ce n’était pas un père exemplaire car il ne s’est pas vraiment occupé de nous. Seuls nos résultats le préoccupaient.
Il m’a appris à aimer les gens, à être discret, à bosser. Mes deux frères ont fait de grandes études et lui n’a jamais compris mon attirance pour la télévision, un milieu abstrait tellement éloigné de notre vie. Mon père est parti trop tôt sans jamais voir un « Champs-Élysées » ou un « Vivement dimanche » et comprendre pourquoi le public me qualifiait de ‘médecin des âmes’ parce que je lui occupais l’esprit, faisant oublier aux gens leurs tracas quotidiens.
À la fin de l’année 2010, à l’occasion de la sortie de votre livre « Rappelle-moi », vous annonciez que vous aviez découvert, l’existence d’un demi-frère caché prénommé Patrick. Nous autorisez-vous à vous demander de ses nouvelles ?
Lors des obsèques de Jean, en 2003, j’avais repéré un homme avec « un vrai air de famille ». C’est après avoir reçu un courrier de la mère de ce dernier avec des photos pour preuves, que j’ai réalisé la vérité. Notre demi-frère, ce quatrième fils de notre père Abraham, était né d‘une liaison hors mariage avec une femme originaire de Normandie. Je l’ai accueilli à mon domicile quelques semaines après l’enterrement. J’ai vu entrer notre père. Papa, tel qu’il était à 50 ans, le même, grand, mince, la même silhouette, une barbe en plus. […] Et mon frère jumeau en quelque sorte. Mêmes pattes d’oie, même profil au nez busqué. Le nez des Drucker. J’avais perdu un frère et j’en retrouvais un. J’ai gardé le contact avec lui. Il est à la retraite et vit du côté de Chartres aujourd’hui. Nous nous téléphonons, nous voyons toujours de temps en temps, mais nous voulons rester discrets. C’est quelqu’un qui compte dans ma vie.
Autre secret de famille, vous faites également allusion à votre sœur Monique ?
Effectivement, nous n’avons jamais beaucoup parlé de notre sœur aînée, Monique, née quatre ans avant moi et emportée par la mort subite du nourrisson alors qu’elle n’était qu’un bébé. Elle avait été inhumée à l’époque à Saint-Sever. Aujourd’hui, elle repose avec notre mère, Lola, dans le caveau familial du cimetière d’Eygalières, en Provence. Ma famille n’est ainsi pas loin de moi.
Pour terminer votre ouvrage, vous rendez aussi hommage à la femme de votre vie, Dany, sans qui, vous le dites, vous n’auriez pas réalisé cette carrière ?
C’est vrai. Dans ce chapitre, je parle de nos alter ego, de celui ou celle qui est notre complice, notre confident, notre âme sœur, sans qui nous n’aurions pas fait carrière. Je donne en exemple Annie Cordy et son mari Bruno, Céline Dion et René, Mireille Mathieu et Johnny Stark, Pierre Perret et Rebecca, Jacques Chirac et Bernadette, Emmanuel Macron et Brigitte, etc. On ne peut pas faire un long parcours seul et le jour où j’ai rencontré Dany, cela a été aussi la chance de ma vie. Nous sommes mariés depuis 53 ans, ce qui n’est pas banal dans ce métier, et, dans l’ombre, elle a tout fait pour que je réussisse.
Vous abordez le sujet de votre fin de carrière, comment l’imaginez-vous ?
Je commence par me poser la question. Après mes pépins de santé, je ne voudrais pas faire le combat de trop. Ce métier c’est toute ma vie, je ne sais rien faire d’autre. L’abandonner sera une déchirure. C’est là toute la difficulté car j’appréhende de passer de la lumière à l’ombre.
Pour le moment, je viens d’enregistrer une nouvelle émission, en tant que producteur et animateur, qui sera diffusée en prime time en juin et qui va s’appeler « Familles, je vous aime ». Je suis certainement le seul à la télévision à avoir des rapports particuliers avec les artistes et leurs familles. Sur mon plateau, je vais donc les accueillir tous ensemble. Gad Elmaleh, Louis Chedid, David Hallyday, Michèle Bernier, Anne Roumanoff ou encore Gérard Lanvin seront les premiers invités.
Ensuite, j’aimerais aussi remonter sur scène pour réaliser la captation de mon dernier spectacle « De vous à moi », stoppé suite à mes problèmes de santé, et raconter au public le contenu de ce livre.
Le souhait de vos parents était de faire de vous des numéros un. Vous venez de recevoir l’insigne de Commandeur de la Légion d’Honneur par Emmanuel Macron. Peut-on considérer que la boucle est bouclée ?
J’ai bien évidemment beaucoup pensé à eux, ainsi qu’à mes frères Jean et Jacques, lors de cette distinction reçue à l’Élysée en février dernier. C’est en quelque sorte la revanche sur la vie du petit cancre de Vire qui se faisait renvoyer d’établissements scolaires en établissements scolaires en cherchant désespérément sa voie. J’espère qu’ils sont fiers de moi.
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