Le vignoble bordelais n’avait pas besoin de ça : un orage a touché localement des parcelles hier, mettant un coup au moral des vignerons touchés. Et mettant en lumière les réductions budgétaires dans la défense antigrêle, qui n’a pas été activée faute de moyens financiers.
L
e vignoble s’apprêtant à passer les saints de glace sans risque de gelées (11 mai saint Mamert, 12 mai saint Pancrace et 13 mai saint Servais), il est rattrapé par d’autres glaçons : les grêlons matraquant des vignes ce samedi 10 mai. Des orages ont touché des vignobles de la façade atlantique hier (avec de possibles dégâts en Charente-Maritime, à confirmer), essentiellement en Gironde sur la zone de Langon vers 17 heures, avec des échos de dégâts localisés plus ou moins importants, notamment au sud des Graves. Vigneron touché par les grêlons, Armand Schuster de Ballwil rapporte que « ça n’a pas trop tapé les vignes sur Langon, ce sont plus les céréales en bas de rivière qui ont été touchées. Sur les communes de Lugaignac et de Saint-Aubin, il y a eu une veine de vignes très touchés. Il y a bien 80 à 100 % de dégâts, les feuilles sont bien hachées et les inflorescences sont déchiquetées. Il y a eu trois passages de grêle, toute la zone est hachée. Les apex sont coupés, »
Sur ses 40 hectares de vignes (merlot, sauvignon blanc, cabernet, sémillon…) apportées à la cave de Rauzan (en AOC Bordeaux rouge et Entre-deux-Mers blanc), le vigneron ne voit plus ce dimanche que du hachis de feuilles et d’inflorescences, avec même des grêlons encore visibles au sol. Ayant contracté une assurance multirisque climatique sur ses 100 hectares de vignes (comportant également le château Montlau, épargné), Armand Schuster de Ballwil ne cache plus sa fatigue des aléas climatiques lui mangeant chaque année du rendement. « À force, on est tellement habitué qu’il y a une forme de dégoût et que l’on se dit que l’on va arrêter » soupire le vigneron bordelais, qui est déjà passé de 150 à 100 ha de vignes en production, et envisage de descendre à 30 ha l’an passé en mettant un terme à des fermages : « on va réduire pour se concentrer sur le commerce et arrêter de travailler pour rien ».
Un loupé dans la protection préventive
Autre point irritant le vigneron : le non-déclenchement hier en Gironde des 139 générateurs anti-grêles (à solution d’iodure d’argent). « À chaque fois que je grêle, la protection n’est pas allumée alors que l’on cotise » regrette Armand Schuster de Ballwil. Un non-déclenchement qui est la conséquence de l’augmentation du seuil d’intervention, de 30 à 40 % de risque de dégât de grêle sur les cultures, suite au désengagement budgétaire du département (35 000 € en 2025, contre 165 000 € par le passé) et au non-abondement supplémentaire de la filière vin AOC (la cotisation restant à 1,5 €/ha). « Il y avait 30 à 35 % de risque [de dégât de grêle ce samedi 10 mai] donc pas d’alerte hier » confirme Jérôme Laduye, le technicien-animateur du réseau de l’Association Départementale d’Etude et de Lutte contre les Fléaux Atmosphériques de la Gironde (ADELFA 33).
« Comme le seuil de risque était à 30 % nous n’avons pas allumé les générateurs puisque nous ne déclenchons qu’à 40 % » indique Dominique Fédieu, le président de l’ADELFA 33 et l’association nationale (ANELFA). Le conseiller départemental du canton Sud-Médoc (majorité départementale PS) plaide pour un engagement des collectivités publiques (communes, département et région), de la filière vin (via la Fédération des Grands Vins de Bordeaux, FGVB) et des assureurs (le réseau antigrêle protégeant aussi les habitations, les voitures, etc.) dans la lutte contre les orages et grêlons alors que le changement climatique menace d’accroître les aléas à l’avenir. L’ADELFA tient ce 27 juin son assemblée générale à la mairie de Nérigean sur l’avenir de sa couverture antigrêle (son budget étant désormais calibré pour 100 cheminées et plus 100).
Les vignes approchaient du stade des boutons floraux séparés. Photo : Armand Schuster de Ballwil.
Photo : Armand Schuster de Ballwil.
Photo : Armand Schuster de Ballwil.