Et si la France n’était plus le pays des familles nombreuses mais celui des foyers minuscules et avait abandonné ces chères têtes blondes au profit des cheveux blancs? La question, que NielsenIQ a récemment abordée lors d’une conférence intitulée «Chérie, on a rétréci le foyer », peut faire sourire –ou grincer des dents– mais elle mérite d’être posée. Car derrière cette formule un brin provocante, se cache une réalité bien tangible : la France vieillit.


Au 1er janvier 2025, la population française est estimée à 68,6 millions d’habitants. Et pourtant, en 2024, seulement 663000 bébés ont vu le jour. Soit le plus faible nombre de naissances depuis 1945. Moins d’enfants, plus de solitude: après l’ère du babyboom, la France entre dans l’ère du solo-boom. En cinq ans seulement, les foyers de cinq personnes ou plus ont chuté de près de 10%, pendant que ceux composés d’une seule personne ont bondi de 11%. Résultat: 71% des ménages français sont désormais constitués d’une ou deux personnes. Un basculement majeur. Le couple se fragilise, les familles s’effritent, les seniors restent seuls chez eux. Et c’est toute la société qui doit s’adapter à cette nouvelle donne.


Un enjeu invisible mais colossal, en particulier pour le secteur de la grande distribution. Car trois foyers solos ne compensent pas la consommation d’une famille de cinq personnes. Cela remet tout en cause (ou presque): formats, volumes, offres promotionnelles, composition des produits… Les marques doivent largement repenser leur stratégie. Chez nos solos, le temps passé en cuisine diminue, le repas familial devient l’exception. Pas étonnant que le prêt-à-manger cartonne, à l’image du prêt-à-porter en son temps : simple, rapide, individualisé. Une transformation alimentaire qui bouscule les habitudes autant que les rayons. Autre particularité: les petites familles sont surtout urbaines, donc différemment équipées. Puisque les lave-vaisselle y sont moins nombreux, la vente de produits afférents est très logiquement sous-représentée (31% des petites familles n’en achètent pas, selon NielsenIQ). Mais, à l’inverse, le rétrécissement des surfaces habitées favorise l’essor du «micro-ondable ». Même raisonnement pour les produits surgelés, puisque les « solos » ont moins de congélateurs que les autres! En revanche, ils ont plus d’animaux domestiques et achètent davantage de petfood que les autres foyers. Et comme ils consacrent moins de temps à la famille, ils font plus de sport et sont plus enclins à consommer des produits avec un apport en protéines. On le voit, dans l’alimentaire comme dans le non-alimentaire, cette évolution sociétale modifie les attentes des consommateurs.


Il est temps d’accepter la réalité : la France change de visage. Et, avec elle, c’est toute une filière –alimentaire, industrielle, servicielle– qui doit se réinventer. Formats à repenser, offre à ajuster, ton à affiner. Fini les habitudes d’un autre temps: comme un nouveau paradoxe d’un monde qui raffole d’injonctions contradictoires, la consommation de masse (un truc de «vieux») laisse petit à petit sa place à une consommation solo pour un public… qui vieillit.

Sélectionné pour vous

Découvrez le palmarès de la 7ème édition du Grand Prix Essec des Industries de la Consommation Responsable