Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, à sa manière loufoque, l’Eurovision 2025 raconte les soubresauts du Vieux-Continent dans son retour aux territoires nationaux.
Elections après scrutins, les pays européens – Royaume-Uni inclus – penchent pour des partis de droite souverainistes et opèrent un recentrement sur eux-mêmes. Fracassé par Donald Trump, le multilatéralisme est aussi mis à mal en Europe, y compris dans la maison UE. Il s’opère même une alliance objective entre une droite souverainiste et des factions écologistes. Au cœur de ces pensées: la patrie ou la valeur du local.
L’anglais est en minorité
En chantant, les artistes de l’Eurovision paraissent loin de ces rugueuses réalités politiques. Pourtant, ils les évoquent, avec déformation. Jamais depuis longtemps, les odes du télécrochet n’ont été aussi enracinées dans leurs terroirs nationaux. Pour la première fois depuis 2016, l’anglais devient langue minoritaire – grosse minorité, certes, mais minorité. Des pays sous intraveineuse de pop en anglais depuis des décennies retrouvent soudain leurs idiomes.
Une part importante des concourants à Bâle brandissent leur patrimoine. Ne soyons pas naïfs: dans bien des cas, c’est de l’esbroufe au service de chansons formatées pour le concours, composées par des industriels du genre.
Lire aussi: L’Eurovision 2025 à Bâle: du sacre de Nemo à la Halle Saint-Jacques
De la variété sucrée d’essence romantique
Mais cette année, cette tendance est d’une force rare à l’Eurovision. Bien des artistes veulent composer entre leurs aspirations mondiales et leurs identités. On cherche à retrouver une origine, fût-elle fantasmée, et on l’insère dans un cadre pop, électro ou de kermesse.
Les troubadours de l’Eurovision se font romantiques, au sens littéraire du terme. Des poètes et écrivains du début du XIXe siècle revenaient au mysticisme des paysages germaniques, aux anciens contes, etc. Toutes proportions gardées, il y a un peu de cet élan dans les mises en scène du concours avec leurs sorcières lettones, leur saz (luth) azerbaïdjanais, leur hardingfele ou violon norvégien… Comme si, face aux cloisonnements politiques, il fallait un miroir bouffon, un reflet fantasque. Un groupe de la sélection 2025 s’appelle Katarsis. On ne peut mieux donner le ton.
Lire aussi: Des dizaines de milliers de personnes ont assisté à la cérémonie d’ouverture de l’Eurovision à Bâle