AVIS D’EXPERT – Arrêter le tabac est la meilleure des préventions, et la prise en charge a beaucoup évolué. Pourtant, le cancer de la vessie fait encore plus de 5 000 morts par an. Le Pr Morgan Rouprêt appelle à mieux connaître les signes d’alerte et fait le point sur les traitements.

Le Pr Morgan Rouprêt est professeur d’urologie à la Pitié-Salpêtrière (AP-HP Sorbonne Université), à Paris, et responsable du comité de cancérologie de l’Association française d’urologie.

« Arrêter de fumer, c’est aussi prévenir ce cancer redoutable », insiste le Pr Morgane Rouprêt.
Celine Bansart

Chaque mois a sa couleur. Octobre est rose, dédié à la lutte contre les cancers féminins. Novembre se teinte de bleu pour sensibiliser à la santé masculine. Et mai ? Trop peu de monde le sait encore, mais le mois de mai est consacré à la sensibilisation au cancer de la vessie, un cancer encore trop souvent ignoré du grand public alors qu’il fait des milliers de victimes chaque année. Ce mois est l’occasion de lever le voile sur une pathologie fréquente, grave et pourtant largement sous-estimée.

Le cancer de la vessie est le deuxième cancer urologique le plus fréquent après celui de la prostate, avec plus de 16 000 nouveaux cas diagnostiqués chaque année en France, dont 80 % chez des hommes. C’est aussi la 7e cause de décès par cancer tous sexes confondus, avec environ 5 300 morts par an. Sa fréquence augmente régulièrement, en particulier chez les femmes, chez qui il est souvent diagnostiqué plus tardivement, à un stade plus avancé.

Le tabac, premier facteur de risque

Le facteur de risque principal est le tabac. Il est responsable à lui seul de plus de la moitié des cas. Il faut le dire clairement : le cancer de la vessie est un cancer du fumeur, même si les patients ignorent souvent ce lien. Les substances toxiques de la fumée de cigarette sont inhalées par les poumons, mais c’est par la vessie qu’elles sont éliminées : le poumon est la porte d’entrée du poison dans l’organisme, la vessie sa porte de sortie. Cette réalité, encore trop méconnue, fait du sevrage tabagique une mesure de prévention essentielle.

Chaque individu peut devenir acteur de sa santé, et cela commence par des décisions simples mais déterminantes. Arrêter de fumer, c’est aussi prévenir ce cancer redoutable. Il est urgent de mieux sensibiliser la population sur cette addiction délétère.

Des signes d’alerte simples mais souvent négligés

Le sang dans les urines, qu’il soit visible à l’œil nu ou détecté par une analyse d’urine, constitue le symptôme d’alerte principal. Toute hématurie, même isolée et indolore, doit motiver une consultation. D’autres signes comme une pollakiurie (envies fréquentes d’uriner), des brûlures, ou des douleurs pelviennes peuvent aussi être évocateurs.

En présence de ces signes, le médecin orientera vers un urologue, qui réalisera une cystoscopie, une cytologie urinaire, une échographie ou un uro-scanner. Ces examens permettent de poser le diagnostic, de préciser le stade et de définir une stratégie thérapeutique.

Poster diffusé par l’Association française d’urologie pour inciter au dépistage du cancer de la vessie.
AFU

Des traitements encadrés mais en constante évolution

Selon que la tumeur infiltre ou non la paroi musculaire de la vessie, la prise en charge varie.

  • Dans 70 % à 75 % des cas, il s’agit de tumeurs de la vessie non infiltrantes, traitées par résection endoscopique et instillations intravésicales (chimiothérapie ou BCG). Un suivi régulier est nécessaire.
  • Dans environ 25 % à 30 % des cas, il s’agit de tumeurs de la vessie infiltrantes. Si le cancer est localisé (sans métastase), le traitement de référence est la cystectomie totale, une chirurgie lourde consistant à retirer la vessie et à réaliser un curage ganglionnaire.

Grâce à la chirurgie robotique et aux protocoles de récupération améliorée après chirurgie (Raac), la morbidité de cette opération s’est nettement réduite. Mais le bouleversement du schéma corporel est total : plus de 75 % des patients vivront avec une dérivation urinaire, souvent sous forme d’urostomie (poche externe). C’est un changement de vie majeur, qui nécessite un accompagnement global.

L’innovation au cœur des centres experts

Au-delà des recommandations nationales (notamment celles de l’AFU), plusieurs centres experts en France proposent des traitements innovants dans le cadre d’essais cliniques :

  • immunothérapies néoadjuvantes ou adjuvantes ;
  • biomarqueurs urinaires pour alléger le suivi ;
  • nouvelles molécules intravésicales ;
  • programmes de préservation de la vessie chez certains patients très sélectionnés.

Ces approches personnalisées permettent d’élargir les options, de limiter les séquelles et de redonner de l’espoir.

Un engagement collectif avec les patients

La lutte contre ce cancer ne repose pas que sur les médecins. L’association Cancer Vessie France joue un rôle essentiel dans l’accompagnement des patients et de leurs proches. Par son engagement, ses actions de sensibilisation et sa capacité à relayer la parole des malades, cette structure fait progresser la connaissance et la reconnaissance de ce fléau dans la société. Elle collabore activement avec les soignants pour améliorer la qualité de vie des patients et faire entendre leurs besoins.

Le cancer de la vessie est évitable dans bien des cas. C’est aussi un cancer que l’on peut guérir s’il est détecté à temps. Encore faut-il le connaître, en parler, et ne pas banaliser les signes d’alerte. Le tabac tue aussi par la vessie, et le sang dans les urines n’est jamais banal. Ce mois de mai est l’occasion de rappeler que les urologues, les chercheurs et les patients eux-mêmes sont engagés ensemble dans ce combat.

Pour en savoir plus, visitez www.urofrance.org et www.cancervessie.fr.