Michel Fugain est donc né le 12 mai 1942 dans un lieu atypique. « J’ai été conçu dans une prison pétainiste. Mon père était communiste sous Pétain. Il refusait un certain nombre de choses. Il a été mis en cabane au Fort Barraux en Isère. Un jour où il a eu le droit de visite et j’ai été conçu », détaille celui qui dit adorer le mot de résistance. « J’ai été élevé dans cette culture. On reste vigilant. Je suis d’ailleurs allé m’installer en Corse, car c’est un pays résistant. » Son père était médecin dans les quartiers ouvriers. Il était parti en Espagne à l’âge de 15 ans pour participer à la guerre civile. Il a été stoppé à Toulouse par les communistes qui l’ont envoyé à Grenoble.
Michel Fugain grandit en Isère au collège-lycée Champollion de Grenoble. « Un bagne. Il y avait des barreaux aux fenêtres jusqu’en Mai-68 », se souvient-il. À 21 ans, le voici à Paris où il devient assistant-réalisateur d’Yves Robert pour le film Les Copains. Au même moment, il se met tardivement à la guitare. « Je suis un garçon lent. » Au cours d’art dramatique, il fréquente Yves Rénier, Patrice Laffont et Michel Sardou. « Il passait une audition chez Barclay et avec Laffont, on a fait ses chansons. Il a réussi. » Avant de se fâcher. « On préparait son deuxième 45 tours. Je lui ai dit : « Tu chantes mal. » Il s’est vexé, on ne s’est plus vus pendant 35 ans. » Les deux artistes se retrouveront en 2000 pour l’album « Français » – l’une des plus mauvaises ventes de Sardou.
Fugain est trop âgé pour participer à Mai-68 – il a 26 ans -, mais s’amuse du désordre. A posteriori, il fustige des « révolutionnaires qui sont devenus des suppôts zélés du capitalisme. On ne peut pas avoir d’estime pour ces gens-là ». Lui reste imprégné de cet esprit rebelle. Il lance le Big Bazar, une troupe où tout le monde est payé pareil. Derrière les tubes, une philosophie de vie libertaire (« Vis ta vie »), festive (« Chante ») voire gauchiste (« Notre société »).
À la fin du Big Bazar, en 1978, les soucis commencent : fini la chanson, place à TF1 où tout se passe mal. Il fait une pause. « Une année sabbatique qui se transforme en cinq années sabbatiques, cela vide les comptes en banque et le percepteur vous demande de vous remettre au travail », sourit-il. Dans les années 1980, Fugain est considéré comme un has-been. Il a des pensées suicidaires. « Juste une nuit. Ma femme m’a amené chez un médecin qui m’a fait douze piqûres. Je n’ai plus jamais eu de pensées suicidaires. J’ai recommencé comme un début. Je suis allé dans les boîtes avec ma bande en playback. »
Le succès revient : « Viva la vida », « Les années guitare « , « Chaque jour de plus », « Ne m’oublie pas », « Les Sud-américaines »… Autant de bonnes chansons qui le remettent en scène. Michel Fugain est de retour. « Attention mesdames et messieurs, ça va recommencer ! »