Par

Ivan CAPECCHI

Publié le

12 mai 2025 à 15h49

Dans le dernier épisode de sa série YouTube consacrée à la « France saccagée », laquelle vise à illustrer la présupposée déliquescence du pays, le journaliste d’extrême droite* Vincent Lapierre fait un détour par Strasbourg.

Insécurité, délinquance, immobilier, déchets, squat, désertification du centre-ville, prix du stationnement, sans-abrisme… De nombreux sujets sont évoqués au cours de ce micro-trottoir géant.

L’insécurité du quartier Gare pointée du doigt

Tout au long de la vidéo, Vincent Lapierre se fait accompagner par un certain Benjamin, qui ne nous est pas présenté mais fait office de guide de tout ce qui ne va pas dans la ville.

Le reportage débute au sein du quartier Gare, plus précisément au niveau de la rue du Faubourg-National, un secteur concerné par du trafic de drogue.

La délinquance en recul dans ce même quartier Gare

Drogues, bagarres, harcèlement… Depuis plusieurs années, des habitants du quartier Gare, réunis au sein d’un collectif dont Benjamin ne fait pas partie, dénoncent l’insécurité qui y règne.

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Ceci étant dit, ces mêmes habitants ont reconnu dernièrement** une nette amélioration de la sécurité dans le secteur, citant par exemple la diminution du squat place Braun ou la fermeture administrative de certains commerces.

« Ces militants d’extrême droite sont très agressifs et potentiellement dangereux »

Sollicité par Actu Strasbourg, Marc***, un des membres du collectif, mobilisé de longue date sur le sujet, réagit à la vidéo de Vincent Lapierre et aux propos tenus par son accompagnateur du jour : « Ces militants d’extrême droite sont très agressifs et potentiellement dangereux. J’ai visionné attentivement la vidéo (surtout les 20 premières minutes, consacrées au quartier Gare) : la vidéo mentionne bien les principaux points chauds qui s’étaient développés dans le quartier depuis 2020, faute de prise en compte du problème par les pouvoirs publics ».

Par contre, le fait que cet influenceur s’offusque du fait qu’il y ait des kebabs dans un quartier qui draine 100 000 voyageurs en transit / jour (et qui ont donc besoin de restauration rapide) ou passe sur le fait que ces mêmes commerçants soient les premières victimes avec les habitants de l’insécurité signe bien son approche idéologique. Son erreur de jugement est d’ailleurs confortée par « Benjamin », qui lui indique que la rue Thiergarten est exceptionnellement calme « à cause du ramadan » alors que tous les habitants de cette rue savent bien que le ramadan n’a aucun impact sur la vie de cette rue.

Un membre du collectif des habitants du quartier Gare

« Il s’y mène parfois des trafics, mais sans lien avec la vie spirituelle des habitants. Tout au long de leur déambulation, ils s’efforcent de tenter un rapprochement entre insécurité et couleur de peau ou religion, alors que les habitants et commerçants qui dénoncent l’insécurité dans le quartier Gare sont eux-mêmes de toutes origines et classes sociales », poursuit le membre du collectif.

Un arrêté anti-alcool qui ne produit pas ses effets rue du 22 Novembre

Vincent Lapierre est amené ensuite au niveau de la rue du 22 Novembre, où son accompagnateur évoque les problèmes de squat et d’alcoolisme qui y règnent.

Une situation qui a poussé Jeanne Barseghian, la maire écologiste de Strasbourg, à publier début mars un nouvel arrêté anti-alcool dans le secteur mais qui, d’après notre reportage sur place, n’a pas permis d’améliorer notablement les choses.

Délinquance à Strasbourg : que disent les chiffres ?

En termes de délinquance à Strasbourg, que disent les chiffres ? D’après le bilan départemental de la sécurité 2024 établi par la préfecture, le centre-ville de Strasbourg a connu une amélioration notable de la sécurité cette année-là, notamment, comme nous l’avons vu, dans le quartier Gare. Dans les quartiers de reconquête républicaine (Cronenbourg, Hautepierre, Meinau, Neuhof), la délinquance générale a reculé, notamment à la Meinau (-10 %) et Cronenbourg (-9 %). Les violences physiques ont particulièrement chuté à la Meinau (-39 %) et à Cronenbourg (-24,5 %). Seul le Neuhof enregistre une hausse des violences physiques (+11 %).

Désertification du centre-ville, prix du stationnement…

Plus largement, la vidéo aborde pêle-mêle les questions de désertification commerciale du centre-ville – une affirmation rejetée par l’adjoint au commerce Joël Steffen, selon qui le taux de vacance des commerces est inférieur à 7 % – du prix du stationnement – augmenté par la municipalité écologiste afin de libérer l’espace public de la voiture au profit de mobilités douces – ou encore le sans-abrisme, qui serait sensiblement supérieur à Strasbourg qu’ailleurs en France, selon les propos de Vincent Lapierre, qui ne cite aucune étude pour appuyer ces derniers.

La question complexe du sans-abrisme

Le rapport 2023 du Service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO) du Bas-Rhin montre une forte aggravation du sans-abrisme à Strasbourg et dans le département. Les demandes d’hébergement via le 115 ont augmenté de 10 % en un an, avec en moyenne 2 045 demandes hebdomadaires, mais 82 % restent sans solution. La maraude a constaté une hausse de 35 % des personnes rencontrées, dont un nombre inédit de familles avec enfants à la rue.

Ceci étant dit, ce même rapport ne fournit pas de comparaison directe entre Strasbourg et d’autres villes françaises concernant le nombre de personnes sans abri.

« On sent que Vincent Lapierre reste sur sa faim »

« Dans la vidéo, on sent que Vincent Lapierre reste sur sa faim, qu’il aurait aimé avoir plus de » croustillant « », commente Marc. Dans cette dernière en effet, plusieurs personnes soulignent la qualité de vie qu’offre Strasbourg, une ville d’ailleurs souvent citée dans des classements sur ce critère.

Contacté, Vincent Lapierre n’a pas donné suite pour le moment.

*Vincent Lapierre est une figure médiatique clivante. Ses détracteurs pointent du doigt ses affiliations passées et ses prises de position pour le classer à l’extrême droite, tandis que lui-même se défend de toute appartenance à ce courant, se revendiquant comme un journaliste indépendant et patriote.
**À noter qu’on ne sait pas précisément quand le reportage a été tourné.
***Le prénom a été modifié.

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