Ce lundi 12 mai sonne la fin d’un feuilleton qui dure depuis près de trois ans. La 17e chambre du tribunal judiciaire de Paris devait statuer, en début d’après-midi, dans le procès en diffamation intenté par les anciens élus insoumis Raquel Garrido et Alexis Corbière, accusés dans un article de l’hebdomadaire le Point en 2022 d’avoir employé une femme de ménage sans papiers.

Le directeur de publication du magazine, Étienne Gernelle, et l’auteur de l’enquête, Aziz Zemouri, ont été condamnés à un total de « 8 000 euros d’amendes et 8 000 euros de dommages et intérêts et frais d’avocat », se sont réjouis Raquel Garrido et Alexis Corbière, sur leurs comptes X respectifs. Le procureur Hervé Tetier avait demandé, lors du procès ayant eu lieu vendredi 14 mars, la condamnation des deux prévenus à une amende, sans en préciser le montant. Il a estimé qu’il y avait eu un « manquement à la prudence » et une « enquête pas suffisamment sérieuse ».

« Vous avez une source unique qui est frelatée »

Cette dernière avait été publiée en ligne le 21 juin 2022 avec la mention « Exclusif » et s’intitulait : « L’employée sans papiers de Raquel Garrido et Alexis Corbière. » Le journaliste Aziz Zemouri y mettait en cause le couple, tous deux alors députés affiliés au groupe de la France insoumise (LFI) de Seine-Saint-Denis, les accusant d’exploiter une femme de ménage sans papiers qu’ils auraient par ailleurs « soumise à des cadences infernales ».

L’article affirmait également que les députés, résidant à Bagnolet, scolarisaient leurs enfants à Paris. Dès le lendemain, l’hebdomadaire avait retiré l’article de son site et admis publiquement son caractère faux et mensonger. « Vous avez une source unique qui est frelatée, des faits non vérifiés, un contradictoire qui est une farce : cette enquête ne tient tout simplement pas debout, avait par la suite fustigé, dans sa plaidoirie du vendredi 14 mars lors du procès, l’avocat des parties civiles, Xavier Sauvignet. Juger de la qualité de cette enquête, c’est comme jouer au jeu des sept erreurs. » Ce dernier estime que « l’enquête » publiée par le Point relève du « buzz organisé » dans la guerre que mène le magazine de droite à la gauche.

« Le contradictoire est une farce » dans cette affaire, a dénoncé Xavier Sauvignet, rappelant qu’Aziz Zemmouri n’a contacté qu’une seule fois par message les députés tout juste élus, avant la publication de son article, leur demandant s’ils comptaient régulariser la situation de leur femme de ménage. À son tour, le procureur de la République a évoqué « un manquement à la prudence » et des informations qui n’ont pas été vérifiées comme elles auraient dû l’être.

« Il s’est fait avoir. Tout a été fabriqué pour que ça ressemble à quelque chose qui soit totalement vrai », a soutenu Me David-Olivier Kaminski dans sa plaidoirie en défense. « L’information qui a été publiée par le Point était absolument et entièrement fausse. Terriblement fausse. Personne ne contesterait qu’elle était diffamatoire », avait de son côté reconnu l’avocat historique de l’hebdomadaire, Renaud Le Gunehec.

« Même les meilleurs se font avoir »

L’avocat du reporter a défendu le professionnalisme de son client, « connu de tous pour sa probité professionnelle ». « Même les meilleurs se font avoir », avait-il fini par conclure, avant de demander la relaxe. Depuis l’éclatement de l’affaire, Aziz Zemouri, qui a quitté l’hebdomadaire, avait aussi présenté ses « excuses les plus sincères », estimant avoir été « victime d’une manipulation ».

L’ancien journaliste du Point a toujours affirmé devant les enquêteurs avoir été dupé par une de ses sources, un policier qui lui a donné le tuyau de la femme de ménage sans papiers. Les investigations ont ensuite permis de remonter jusqu’à Rudy Succar, un ex-chauffeur de Jean-Christophe Lagarde, député sortant et candidat affilié au groupe de l’Union démocrate indépendante (UDI), alors opposé à Raquel Garrido lors des élections législatives ayant suivi l’élection présidentielle.

Après plusieurs interrogatoires, l’ex-chauffeur avait reconnu s’être fait passer pour la femme de ménage auprès du journaliste sur demande pressante voire « obsessionnelle » de Jean-Christophe Lagarde, car celui-ci aurait voulu obtenir un élément compromettant contre sa concurrente. L’ex-député a dénoncé les mensonges « les plus absolus et les plus absurdes ».

Dans l’autre volet de l’affaire, Jean-Christophe Lagarde, Rudy Succar et Noam Anouar, le contact policier d’Aziz Zemouri, sont mis en examen notamment pour escroquerie en bande organisée. Aziz Zemouri est lui partie civile aux côtés du couple Garrido-Corbière.

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