« Ce mercredi 7 mai 2025, je me suis donné la mort après avoir commis un infanticide en la personne de ma fille, Emma. » Postés sur le réseau social professionnel LinkedIn, ce sont ces mots glaçants qui ont alerté la mère d’une jeune fille de 13 ans. Cette dernière a été retrouvée morte vendredi chez son père à Murs-Erigné, une commune des bords de Loire dans la campagne angevine.
Philippe Chabert, le père d’Emma, a été interpellé et placé en garde à vue. Il a reconnu les faits mais sa garde à vue a été levée et il a été hospitalisé sous contrainte. Le suspect, âgé de 42 ans, n’avait toujours pas été entendu, ce lundi, a-t-on appris du parquet d’Angers. Il « ne le sera que lorsque le feu vert nous sera donné par les médecins », précise Éric Bouillard, procureur de la République.
C’est le collège qui alerte vendredi la maman d’Emma : cette dernière ne s’est pas présentée en classe. Sa mère tente de la joindre, d’appeler son père, dont elle est séparée depuis 2018 et chez qui l’adolescente se trouvait. Personne ne répond.
Condamné pour harcèlement et menaces de mort fin mars
Et c’est sur les réseaux sociaux que la mère découvre l’horreur. Philippe Chabert y annonce avoir tué Emma et avoir mis fin à ses jours. Accompagnant ce succinct message, posté sur son site dédié à l’actualité du notariat, le quadragénaire poste un ouvrage en PDF de 240 pages. Il explique : « Je vous raconte dans cet ouvrage post-mortem Les notaires m’ont tué, la Justice leur a fourni les armes les raisons de cette violence judiciaire qui détruit des vies entières, qui détruit des couples et pousse les hommes a commettre l’irréparable. » Il appelle les internautes à s’en emparer : « Un conseil, téléchargez-le rapidement et partagez-le autour de vous avant que les institutions ne fassent supprimer cette publication. »
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À la lecture de ces mots, la mère d’Emma déclenche l’intervention des secours à Murs-Erigné. La jeune fille est découverte morte. Un décès qui remonterait au mercredi soir. « L’autopsie de l’enfant a confirmé un décès causé par l’action d’un tiers, compatible avec l’écrit laissé par son père », explique le procureur Éric Bouillard, qui refuse en revanche de s’étendre « sur le mode opératoire du mis en cause ».
La maman d’Emma lui a rendu hommage. Facebook.
Près du corps de l’adolescente, Philippe Chabert, son père est retrouvé vivant mais il a absorbé des médicaments. Placé en garde à vue, il est, après quelques heures seulement, finalement hospitalisé « sous contrainte ».
Un paysagiste journaliste au « parcours atypique »
Récemment, ce paysagiste avait comparu fin mars devant la justice pour menaces de mort et harcèlement à l’encontre de la Chambre des Notaires du Maine-et-Loire. Après une vente immobilière, « entachée de vices », écrivait alors Ouest-France, l’acquéreur avait multiplié les écrits à l’encontre de l’organisation de notaires qu’il considérait comme responsables de sa mauvaise acquisition.
Via des communiqués de presse, des menaces sur les réseaux sociaux, appels aux députés, au garde des Sceaux, la campagne de Philippe Chabert pour obtenir justice se transforme en harcèlement. Il crée même un site dont il est l’administrateur, intitulé Observatoire indépendant du notariat de France. Il y entend dénoncer les pratiques douteuses des notaires. Sur LinkedIn, le paysagiste, qui aurait fait une partie de ses études à Rennes (Ille-et-Vilaine) se présente comme journaliste.
Le quadragénaire dit aussi avoir créé la « revue Réseaux » « pour éclairer les zones d’ombre du monde notarial et juridique ». Il se présente ainsi comme un homme au « parcours atypique » dont le combat est « né d’une expérience personnelle marquante ». « Une difficulté rencontrée avec des notaires m’a révélé les failles d’un système complexe (…) J’ai décidé d’agir ».
« Je suis beaucoup moins dangereux en verbalisant »
À la barre du tribunal correctionnel d’Angers, le 28 mars dernier, Philippe Chabert tente de s’expliquer sur les accusations de harcèlement et les menaces de mort qu’il a proférées de 2021 à 2023. Puis il s’effondre en larmes, avait rapporté Ouest-France. « Je suis beaucoup moins dangereux en verbalisant plutôt que de garder tout pour moi et de passer à l’acte. C’est mon exutoire », avait-il tenté de justifier.
Trouble délirant persistant de revendication, quérulence (un terme psychiatrique qui désigne une tendance exagérée à revendiquer la réparation de dommages imaginaires), paranoïa… Une expertise psychiatrique souligne alors l’altération du discernement, une dangerosité réelle et un risque de récidive, rapportait le quotidien régional. Philippe Chabert est condamné à 10 mois de prison avec sursis assortis d’une obligation de soins et d’une interdiction de contacter tous les notaires du Maine-et-Loire et de paraître devant une étude pendant trois ans.
La mère d’Emma a rendu hommage à l’adolescente sur les réseaux sociaux. Facebook.
La dangerosité de Philippe Chabert se serait donc concrétisée mercredi soir dans sa maison de Murs-Erigné, sur sa fille, Emma. « Ma grande, ma puce, ma princesse, ma chacha, je t’aimerais toujours tu es ma seule et unique fille, je ne t’oublierai jamais on se retrouvera un jour en haut. Veille sur nous et sur ton frère, ma puce. Tu voulais vivre toi, écrit la maman de l’adolescente sur Facebook. Je t’aime à l’infini. »
Dans une autre publication, la mère éplorée assure : « Ma Emma je me battrai pour que justice soit faite, même si tu ne reviendras jamais. » Avant de dénoncer dans des commentaires : « son papa, c’est lui qui l’a tué il a voulu se tuer aussi, il s’est raté (…) Personne n’aurait pu imaginer un tel acte de barbarie. »