Un ancien boucher-charcutier de 85 ans a été condamné pour avoir loué des taudis dans le quartier populaire de Noailles, gangrené par le mal-logement. Son épouse a également été condamnée.
Ancien boucher-charcutier devenu multipropriétaire dans le cœur populaire de Marseille, Raphaël Z., 85 ans, a été condamné lundi à quatre ans de prison dont trois avec sursis probatoire pour avoir loué des appartements insalubres ou dangereux.
L’octogénaire, qui purgera son année de détention ferme sous bracelet électronique, s’est aussi vu infliger une amende de 50.000 euros, avec interdictions pendant cinq ans d’exercer toute activité dans le domaine immobilier et, pendant dix ans, d’acheter des biens destinés à l’hébergement.
Son épouse, qui faisait office de comptable de leurs deux sociétés familiales immobilières, est condamnée à trois ans de prison avec sursis probatoire, à une amende de 25.000 euros, et aux mêmes interdictions que son mari.
Rentabilité maximum
Depuis le milieu des années 1990, le couple avait acquis une soixantaine d’appartements, dont certains immeubles entiers, notamment dans le quartier de Noailles.
Dans son jugement, la présidente a pointé «un système» fondé sur trois critères: la division des lots permettant une rentabilité maximum, la sélection de locataires choisis pour leur vulnérabilité et bénéficiaires des aides au logement versés par la Caisse d’allocations familiales, et la réalisation de travaux à la va-vite lorsqu’ils étaient imposés par des arrêtés de péril ou d’insalubrité.
Baux lacunaires, superficie majorée, travaux mis à la charge des locataires, cautions jamais restituées : le couple utilisait aussi la menace, comme l’a souligné le tribunal, avec des expulsions abusives fondées sur des actes mensongers et la difficulté de locataires vulnérables à faire valoir leur droit.
Lors des débats, en mars, une locataire avait raconté comment son bébé «était arrivé dans l’humidité, dans les rats , dans l’insalubrité, et ça a duré pendant quatre ans». Pour laver son nourrisson, la jeune mère devait faire chauffer l’eau à la casserole.
Plus de 68.000 euros confisqués
Le procureur avait eu des mots très durs contre les prévenus, qu’il avait accusés d’avoir construit leur patrimoine immobilier avec l’argent de la solidarité nationale: «À Noailles, un des quartiers les plus pauvres de France, ce sont de nouveaux alchimistes, ils prennent la pierre en péril et la transforment en or», avait dénoncé le magistrat.
Les deux SCI familiales du couple ont été condamnées à respectivement 200.000 et 50.000 euros d’amende et le tribunal a prononcé la confiscation des sommes d’argent saisies — plus de 68.000 euros — ainsi que de nombreux biens immobiliers, pour près d’un million d’euros au total.
Jugés pour soumission de personnes vulnérables à des conditions d’hébergement indigne, menace ou intimidation, perception indue de loyers et mise en danger d’autrui, les prévenus ont été condamnés par le tribunal à verser immédiatement plus de 70.000 euros de dommages et intérêts à huit locataires.