Depuis le printemps 2011, un nom hante la chronique criminelle française : Xavier Dupont de Ligonnès. Le 21 avril, les policiers découvrent cinq corps ensevelis sous une dalle fraîchement coulée au domicile familial, au 55 boulevard Robert-Schuman à Nantes : Agnès, son épouse, et leurs enfants Arthur, Thomas, Anne et Benoît. Tous ont été tués par balles, sans doute dans leur sommeil.
Leurs corps sont soigneusement disposés, ornés de symboles religieux. Les deux chiens de la famille ont également été abattus. Dans la maison, tout est en ordre : les traces de sang effacées, les ordinateurs disparus et les cadres photos vidés. Mais le père, Xavier Dupont de Ligonnès, lui, s’est évaporé.
Daniel Zagury, expert psychiatre auprès des tribunaux et auteur de L’énigme publique n°1, aux éditions du Seuil est persuadé que le fugitif s’est suicidé : « Ce que je pense, c’est que Xavier Dupont de Ligonnès avait des envies de suicide, qu’il ne pouvait pas abandonner sa famille et qu’il s’agissait de partir ensemble. Il ne voulait pas qu’on sache qu’il s’était suicidé, car ce n’est pas chrétien et il ne voulait pas faire de peine à sa sœur et à sa mère.«
Portrait d’un homme en chute libre
Très vite, l’enquête révèle une préparation méthodique. Dès mars 2011, Xavier achète silencieux, chaux vive, bâches et ciment. Il fait croire à un départ imminent, en résiliant le bail et en renvoyant ses courriers. Ses dernières apparitions sont soigneusement tracées : hôtels, restaurants, retraits d’espèces… Jusqu’au 15 avril, à Roquebrune-sur-Argens, où il est vu pour la dernière fois. Il quitte son véhicule à pied, portant un gros sac. Depuis, plus rien.
Les enquêteurs reconstituent le profil d’un homme en détresse : faillite professionnelle, dettes, troubles dépressifs, perte de repères. En 2010, il évoquait dans une lettre à des amis deux solutions : se suicider ou « foutre le feu à la baraque ». Il choisira apparemment une troisième voie : l’effacement total.
Les relations avec son épouse Agnès étaient orageuses, marquées par des tensions et infidélités mutuelles. Elle-même, quelques semaines avant le drame, demandait à ses amies de prier pour son mari, qu’elle disait « menacé ».
Le survivant de l’Apocalypse
L’affaire met aussi en lumière un environnement familial empreint de mysticisme. Geneviève, la mère de Xavier, dirigeait un groupe de prières marginal, annonçant l’Apocalypse pour 1995. Sa sœur Valérie parle d’une enfance marquée par la peur du jugement dernier. Le jugement dernier n’ayant pas eu lieu, Xavier Dupont de Ligonnès, va alors prendre ses distances avec la foi, se déclarer athée tout en continuant à visiter assidument les sites catholiques.
« Il a été élevé par une mère pieuse et prédicatrice qui lui a transmis une doctrine : il allait être un survivant de l’Apocalypse. Et il l’a cru jusqu’à l’âge de 35 ans, et il le dit. Ce en quoi il a cru, ce n’est pas la religion, mais dans la doctrine de sa mère, et quand il perd ça, il perd son identité », explique Daniel Zagury, expert psychiatre, au micro de L’Heure du crime.
Toujours introuvable
Malgré plus de 1.700 signalements, des pistes jusqu’en Thaïlande ou en Amérique latine, la traque reste vaine. En octobre 2019, un homme est arrêté à Glasgow : fausse alerte. En avril 2025, l’influenceur Aqababe relance la chasse, affirmant que Xavier se cacherait à Malte sous une fausse identité. Le parquet de Nantes temporise : « aucun élément factuel ne vient confirmer cette thèse ».
« Pour moi, pourquoi tant préparer avec toute cette mise en scène, de tournée si c’est pour se suicider ? Je suis convaincue par sa sœur ainée qui dit ce qui était son objectif le plus cher, c’est que l’on ne sache jamais. Et 15 ans après, on en est bien là, mort ou vivant, on n’a toujours pas la réponse », explique Anne-Sophie Martin, journaliste.
Encore aujourd’hui, la fascination sur cette affaire reste intacte.
Les invités de « L’Heure du crime »
– Daniel Zagury, expert psychiatre auprès des tribunaux et auteur de L’énigme publique n°1, aux éditions du Seuil.
– Anne-Sophie Martin, journaliste, réalisatrice et auteure du livre Le disparu, publié aux éditions Ring.
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