Un chercheur français qui travaille sur un nouveau traitement contre les cancers métastatiques.En 2021, le nombre de décès par cancer est de 162 400 : 90 900 chez l’homme et 71 500 chez la femme. © Freepik

Chaque année, ce sont près de 400 000 nouveaux cas de cancers qui sont diagnostiqués en France. Parmi eux, les formes métastatiques, lorsque les cellules cancéreuses migrent vers d’autres organes, sont responsables de 90 % des décès liés à la maladie. Ce qui rend ces métastases si redoutables, c’est leur capacité à résister aux traitements standards comme la chimiothérapie ou l’immunothérapie.

C’est dans ce contexte que l’équipe du Dr Raphaël Rodriguez, chercheur à l’Institut Curie, affilié au CNRS et à l’Inserm, a mis au point une nouvelle classe de molécules thérapeutiques, baptisées Fento-1 et Fento-2. Leur particularité ? Déclencher un mécanisme de mort cellulaire appelé ferroptose, qui vise spécifiquement les cellules cancéreuses dopées au fer.

Les cancers métastatiques résistants dans le viseur des chercheurs français Les cellules métastatiques : késako ?

Les cellules métastatiques sont une réalité bien connue des oncologues. Une tumeur primaire peut envoyer des cellules cancéreuses se balader dans l’organisme. Celles-ci s’installent ailleurs, dans les os, le foie, le cerveau, et forment de nouvelles tumeurs, parfois plus agressives que la première. Et là, les traitements actuels se heurtent souvent à un mur.

Ces cellules métastatiques ont développé une forme de résistance aux thérapies classiques. Elles savent se défendre, se cacher, et surtout… elles raffolent du fer. C’est donc cet oligo-élément indispensable à notre corps qui devient leur carburant pour croître, survivre et résister aux attaques des médicaments.

La ferroptose : une rouille qui sauve des vies

C’est cette addiction au fer qui a mis la puce à l’oreille au Dr Raphaël Rodriguez et à son équipe. En exploitant cette faille, les scientifiques ont conçu une molécule intelligente, capable de provoquer une mort cellulaire ciblée : la ferroptose. En clair, on pousse la cellule à stocker trop de fer, ce qui provoque une réaction en chaîne d’oxydation. Ainsi, la membrane cellulaire se désintègre, la cellule « rouille » de l’intérieur… et meurt.

Les molécules mises au point, baptisées Fento-1 et Fento-2, ont été testées sur des modèles précliniques de cancers métastatiques du sein, mais aussi sur des tissus issus de patients atteints de cancers du pancréas ou de sarcomes, réputés très difficiles à traiter. Les résultats sont spectaculaires : réduction de la croissance tumorale, destruction ciblée des cellules cancéreuses, et surtout faible toxicité sur les cellules saines.

Alors, un nouveau traitement thérapeutique ?  Une petite molécule, un grand potentiel thérapeutique

On pourrait croire à une simple avancée technique. Mais en réalité, on parle ici d’un changement de paradigme dans l’approche thérapeutique. Cette molécule n’attaque pas la tumeur au hasard, elle identifie une vulnérabilité spécifique de la cellule cancéreuse. Et c’est ce ciblage chirurgical qui pourrait, demain, faire la différence pour des milliers de patients.

À court terme, cette découverte représente un espoir pour les cancers métastatiques résistants, là où la médecine est encore trop souvent démunie. À long terme, elle pourrait s’appliquer à d’autres types de cancers, dès lors qu’ils présentent cette dépendance au fer.

Les essais cliniques à l’horizon

Bien sûr, la prudence reste de mise. Ces résultats prometteurs ont été obtenus en laboratoire et sur modèles animaux. Les prochaines étapes sont donc les essais cliniques sur l’homme pour évaluer la sécurité et l’efficacité du traitement en conditions réelles. Si les données sont confirmées, ces molécules pourraient rejoindre l’arsenal thérapeutique d’ici quelques années.

Pour les chercheurs, c’est aussi une belle reconnaissance du potentiel de la recherche biomédicale française, souvent discrète mais redoutablement efficace. Cette étude, soutenue par le CNRS, l’Inserm, l’Institut Curie et le ministère de la Recherche, montre à quel point les avancées des traitements du cancer peuvent naître de collaborations publiques.

À SAVOIR

Depuis octobre 2024, l’Institut Curie propose la radiothérapie interne vectorisée (RIV) aux patients atteints de cancer de la prostate métastatique. Une technique qui consiste à injecter des molécules radioactives ciblant directement les cellules cancéreuses, pour irradier la tumeur de l’intérieur tout en épargnant les tissus sains.

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