Six Bulgares, quatre hommes et deux femmes, ont été condamnés lundi 12 mai 2025 à Londres à des peines allant de 5 ans à plus de 10 ans de prison pour espionnage au profit de la Russie, dont des projets d’enlèvements, visant des dissidents et des journalistes.
Entre 2020 et 2023, ils ont mené des opérations d’espionnage au Royaume-Uni, en Autriche, en Espagne, en Allemagne et au Monténégro. Après l’arrestation du groupe en février 2023, les enquêteurs ont retrouvé de faux passeports, de nombreux équipements d’espionnage, comme des micros et caméras cachés dans une cravate ou une peluche chez Orlin Roussev, qui dirigeait les opérations depuis son domicile de Great Yarmouth, dans l’est de l’Angleterre.
Six opérations au total
La police a pu reconstituer six opérations, dont des projets d’enlèvement, grâce à l’analyse de plus de 100 000 messages retrouvés sur la plateforme Telegram utilisée par Orlin Roussev.
Ce dernier, qui avait plaidé coupable, a été condamné à 10 ans et huit mois de prison. Il a été impliqué dans chacune des six opérations, qualifiées de « sophistiquées » par le juge. Son adjoint, Biser Dzhambazov, 44 ans, a lui reçu une peine de 10 ans et deux mois de prison.
Dans le groupe se trouvaient également deux femmes, qui avaient notamment le rôle d’appât. Katrin Ivanova, une assistante de laboratoire de 33 ans, qui a été la compagne de Biser Dzhambazov, a été condamnée à 9 ans et huit mois de prison. Elle a été une « participante enthousiaste pendant longtemps », a déclaré le juge.
Vanya Gaberova, propriétaire d’un salon de beauté âgée de 30 ans, a reçu une peine de six ans et huit mois de prison. Pour elle, espionner pour la Russie était « excitant et glamour », a dit le juge. Tous étaient « motivés par l’argent », a-t-il résumé : ils vivaient « très confortablement » grâce aux sommes substantielles qu’ils recevaient. Orlin Roussev avait reçu plus de 200 000 € pour financer ses activités.
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Le groupe surnommé « Les Minions »
Orlin Roussev prenait ses consignes de l’Autrichien Jan Marsalek, ancien directeur des opérations du fleuron déchu de la finance numérique Wirecard, et dont l’enquête a montré qu’il agissait comme « intermédiaire » avec les services russes.
Depuis sa fuite d’Allemagne en 2020 où il est recherché par la justice, Jan Marsalek se trouverait à Moscou sous une fausse identité, selon une investigation journalistique internationale parue en 2022.
L’un des membres avait surnommé le groupe « Les Minions » : à l’image des petits personnages jaunes de la série d’animation qui travaillent pour le méchant Gru, eux ont mené leurs opérations au profit du GRU, le service de renseignement militaire russe.
Le groupe a notamment visé le journaliste d’investigation bulgare Christo Grozev, qui a enquêté sur plusieurs dossiers imputés aux services de renseignement russe, dont l’empoisonnement en 2020 de l’opposant Alexeï Navalny, et Roman Dobrokhotov, un journaliste russe et dissident basé au Royaume-Uni, fondateur du site The Insider.
Découvrir que les espions bulgares avaient suivi ses mouvements ainsi que ceux de sa famille et espionné leurs communications a été « terrifiant et profondément déstabilisant », a témoigné Christo Grozev.
« Un avertissement clair à quiconque cherche à menacer notre sécurité »
Ils ont aussi pris pour cible Bergey Ryskaliev, un ancien homme politique kazakh ayant obtenu le statut de réfugié au Royaume-Uni. Jan Marsalek et Orlin Roussev ont discuté d’un projet d’enlèvement du dissident russe Kirill Kachur au Monténégro. Dans un message, Jan Marsalek a dit au second : « Cela ne nous dérange pas s’il meurt par accident, mais il vaut mieux qu’il parvienne à trouver son chemin vers Moscou ».
Ils ont également surveillé la base militaire américaine de Patch Barracks à Stuttgart, en Allemagne, pensant que des soldats ukrainiens y étaient formés à l’utilisation du système de défense aérienne Patriot.
Ces condamnations « devraient envoyer un avertissement clair à quiconque cherche à menacer notre sécurité, à nuire au Royaume-Uni et à compromettre la sécurité du public », a réagi le ministre chargé de la Sécurité Dan Jarvis.
Cette affaire est « un rappel brutal de la menace de plus en plus complexe à laquelle nous sommes confrontés de la part d’États hostiles », a-t-il ajouté. Les relations entre Londres et Moscou sont particulièrement tendues depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, en février 2022. Les deux pays s’accusent régulièrement d’espionnage, ce qui se traduit par de fréquentes expulsions croisées de diplomates.