Chaque semaine, coup d’œil sur l’actualité poétique. Retrouvez tous les articles de ce rendez-vous ici.

«On·e a cette action : /dissoudre la langue /sur la langue.» Qui est «On·e» derrière ce procédé chimique ? Une femme, anonyme parmi les anonymes, effacée des récits officiels ? Toutes les femmes que le «On» exclut depuis qu’il a assis sa domination linguistique masculine ? La poétesse qui prend fait et cause pour ce pronom tout personnel qu’elle vient d’inventer grâce au point médian ?

On·e, protagoniste impersonnel, du dernier recueil d’Aurélie Foglia, aux éditions LansKine, est en tout cas un sujet de recherches (poétiques, syntaxiques, sur la ponctuation, etc.) en soi, expérimentation convaincante d’une sceptique («J’avais des réserves») que la chercheuse, aussi maître (sse) de conférence à Paris 3 – Sorbonne Nouvelle, déploie avec une grande puissance performative. Ce n’est pas s’en rappeler, du côté de la fiction, d’autres tentatives déjà anciennes de sortie de l’universel masculin, à l’instar de l’épopée féministe les Guérillères (éd. Minuit) de Monique Wittig.

Mais ici, à renfort de distiques et autres vers brefs cadencés, la poétesse primée (en 2023) et spécialiste des romantiques (Lamartine, entre autres) enfonce le clou. Elle ne recherche pas d’«effet» («Ce n’est pas de la poési·e /pour faire joli /ni décoratif. /Désolé·e.») ; mais revendique une forme de hacking («Les vers sac /cadés sont faits /pour heurter sec») ou de réaction chimique, semblable au sulfate de cuivre anhydre qui devient bleu au contact de l’eau, visant à révéler, voire dénoncer, par le jeu poétique, les violences systémiques envers les femmes.

«Je donne /de la voix. /Tout silence /perpé /tue la tuerie. /Plaie de se taire», scande encore Aurélie Foglia dans un poème final manifeste. L’écriture poétique comme élan d’insoumission.