Les chants des minots résonnent aux abords d’un Vélodrome désert et plongé dans le silence, à des années-lumière de l’ambiance volcanique qui s’annonce samedi, à Marseille, où la venue de Rennes va permettre de célébrer avec faste la qualification de l’OM en Ligue des champions obtenue au Havre.
Ce lundi 12 mai, l’enceinte du boulevard Michelet a vécu un moment plus solennel, partie intégrante de l’histoire de l’OM et, plus largement, du football français : la commémoration de la tragédie de Furiani survenue le 5 mai 1992, juste avant le coup d’envoi de la demi-finale de coupe de France entre le Sporting Club de Bastia et l’OM.
L’effondrement de la tribune nord du stade Armand-Cesari a provoqué la mort de 19 personnes, fait 2 357 blessés et traumatisé tous ceux qui ont vécu de près ou de loin cette catastrophe.
Quand il a endossé le costume de président de l’OM, Pablo Longoria s’est penché sur ce pan de l’histoire
Depuis son Espagne natale, Pablo Longoria, le président du club phocéen, était trop jeune pour comprendre ce qui s’était vraiment joué ce soir-là. Mais quand il a endossé le costume de président de l’institution olympienne, il s’est penché sur ce pan de l’histoire, juste après une interview en mai 2021 où le sujet fut abordé alors que personne, au club, ne lui en avait jamais parlé jusqu’ici.
De ces moments à fouiller le passé et à poser d’innombrables questions pour tenter de tout comprendre est rapidement née une conviction forte : la nécessité d’honorer la mémoire de ceux qui ont perdu la vie alors qu’ils venaient assister à un simple match de football.
Le besoin de se souvenir et de transmettre. « Je me suis dit que je devais faire une statue et un espace de mémoire car cette tragédie, qui a marqué l’histoire du club, n’a pas le devoir de mémoire qu’elle mérite », explique le dirigeant olympien.
« Je veux que tout le monde puisse voir, lire, sentir tout ce qui s’est passé pour éviter que ça se reproduise »
Cette volonté s’est matérialisée lundi grâce à 13e Homme, l’organisation qui rassemble les projets structurants du club : un espace de la tribune Jean-Bouin est désormais dédié à ce drame, avec une stèle et une zone spéciale, nommé « Espace Furiani 1992 ».
« Je veux que tout le monde puisse voir, lire, sentir tout ce qui s’est passé pour éviter que ça se reproduise. Je veux que ça reste dans la mémoire des gens, insiste le président de l’OM qui se rend à Furiani chaque 5 mai. Avoir un espace est plus important que les paroles. »
Inaugurée en présence de plusieurs anciennes gloires de l’OM (Papin, Durand, Olmeta, Gransart, Gili, Xuereb, Bernès) et de Bastia (Di Fraya), du collectif des victimes de Furiani représenté notamment par Josepha Guidicelli, d’hommes politiques (Benoît Payan, le maire DVG de Marseille, et Renaud Muselier, le président Renaissance de la région PACA), de journalistes ayant vécu le drame ou de supporters ayant déposé une gerbe de fleurs (la famille Cataldo et les South Winners), cette zone fera partie intégrante de la visite du Vélodrome dans le cadre des OM Tours, avec une explication de ce qui s’est passé. « Pendant les matches, tout le monde va pouvoir passer dans ce salon », prolonge Longoria.
Jean-Pierre Papin : « Dans ce salon, on pensera toujours à Furiani »
« Ce souvenir me hante toujours, j’ai vécu la plus grande tragédie du football français, se remémore Jean-Pierre Papin, capitaine de l’OM en ce soir maudit. Je suis très ému que l’OM ait décidé de faire un tel hommage à travers ce salon et cette stèle. La seule chose dont je me souviens, c’est le ballet des hélicoptères pour charger les blessés. On aurait dit un film de guerre. J’ai perdu beaucoup d’amis ce soir-là, ces gens venus supporter leur équipe et qui ne sont jamais rentrés chez eux. Il faut vivre, on n’oubliera jamais. Dans ce salon, on pensera toujours à Furiani, il n’est jamais trop tard pour se souvenir. Cette stèle, dans ce lieu mythique du football, c’est quelque chose de normal ».
Après des années de lutte, la date du 5 mai a fini par être sanctuarisée, en France, à travers une loi votée en 2021. Plus aucun match d’une compétition nationale n’est programmé ce jour-là. « Il faut donner de la continuité à cette opération, notamment en sensibilisant tous les joueurs du centre de formation et en continuant d’honorer la mémoire de Furiani », conclut Longoria.