Face à la montée en puissance des marques chinoises et aux défis économiques du secteur, l’Europe revoit sa copie en matière d’émissions de CO2. Une décision stratégique qui pourrait bien redéfinir les équilibres du marché automobile. En tout cas, c’est ce que les constructeurs européens espèrent.

Un tournant décisif pour l’industrie automobile en Europe

Alors que les géants de l’automobile traversent une période d’instabilité marquée par la guerre commerciale et des réglementations toujours plus strictes, l’Europe vient de faire un geste fort. Sous la pression du secteur, elle a décidé d’assouplir le calendrier initial de réduction des émissions de CO2. Une victoire importante pour les constructeurs européens, tous en quête de temps pour s’adapter aux transformations du marché.

Initialement, Bruxelles exigeait des constructeurs une réduction de 15% de leurs émissions de CO2 d’ici 2025, comparé aux niveaux de 2021. Mais face à la grogne du secteur, qui évoquait des pénalités colossales allant jusqu’à 15 milliards d’euros, l’Union Européenne a décidé de réévaluer sa position. Le Parlement européen a ainsi validé un amendement permettant d’étaler les objectifs sur trois ans. Donc de 2025 à 2027. Cela au lieu de tout concentrer sur 2025.

Cette révision du calendrier offre aux marques un précieux répit pour intensifier la production de véhicules électriques. Tout en maintenant leur portefeuille de modèles thermiques plus longtemps.

Un vote largement favorable des euro-députés

Cette mesure a reçu un large soutien politique. 458 parlementaires ont voté pour, contre seulement 101 oppositions et 14 abstentions. Une majorité nette qui confirme la volonté de l’Europe de préserver sa filière industrielle. D’autant plus face à une concurrence mondiale de plus en plus agressive.

Les constructeurs européens ne sont pas seulement confrontés aux exigences écologiques. Ils doivent aussi composer avec des droits de douane renforcés, notamment imposés par les États-Unis sous l’administration Trump. Et avec la percée rapide des constructeurs chinois, particulièrement dynamiques sur le marché des voitures électriques.

Cet ajustement réglementaire apparaît donc comme une tentative de rééquilibrage stratégique. De quoi éviter une fragilisation trop brutale du tissu industriel en Europe ? On l’espère.

Cependant, cette décision n’est pas sans soulever des réserves. Lucien Mathieu, expert chez Transport & Environnement, déplore ce qu’il considère comme un recul environnemental. « Il est paradoxal de desserrer les objectifs alors que les ventes de voitures électriques battent des records. Les constructeurs avaient justement lancé des modèles plus abordables pour respecter les anciennes règles. Ce report pourrait ralentir la dynamique actuelle et freiner les investissements ».

Quelles perspectives pour les marques locales en Europe ?

Ce sursis réglementaire permettra sans doute aux constructeurs de mieux se préparer à la transition énergétique. Mais il faudra veiller à ce qu’il ne devienne pas un prétexte pour retarder l’innovation. Dans un marché où les acteurs chinois multiplient les lancements et gagnent du terrain, chaque année de retard peut se payer cher.

Si l’assouplissement européen est une bouffée d’oxygène bienvenue, il ne saurait remplacer une stratégie industrielle ambitieuse. Les marques européennes devront transformer ce délai en levier de transformation réelle. Notamment en misant sur l’innovation et l’accélération de leur offre électrique.

Toutefois, sur ces dix dernières années, tous les constructeurs ont mis les bouchées double en matière d’électrification. Autrement dit, tous les projets à long termes sont déjà lancés. Même avec des règles plus souples en Europe, aucun d’entre eux ne devrait en profiter pour lever le pied sur le sujet… Juste en profiter pour le peaufiner. C’est en tout cas ce qu’il faut espérer.