Au tribunal de Rennes,
Alcool et stupéfiants au volant, conduite sans permis et/ou sans assurance, délit de fuite, et dans la plupart des cas en état de récidive légale. Ainsi va la vie le mardi matin au tribunal correctionnel de Rennes, où se tient chaque semaine une audience consacrée aux infractions routières. « L’audience muscadet », comme la surnomment encore quelques avocats au grand dam de la profession viticole, même si beaucoup de robes noires préfèrent désormais l’appeler « l’audience route. » Car « la cocaïne a désormais remplacé le muscadet », glisse l’une d’entre elles lors d’une suspension de séance.
Comme tous les mardis ce matin-là, les dossiers s’enchaînent rapidement, avec le délibéré rendu dans la foulée. Le premier prévenu à s’avancer à la barre approche de la quarantaine. Conducteur routier de profession, il a été réveillé par les gendarmes un matin de septembre 2023 endormi au volant de son véhicule, garé à l’arrache sur le bas-côté d’une route. « Votre voiture empiétait sur la chaussée et vous étiez en warning avec le moteur et l’autoradio allumés en train de dormir avec les mains sur le volant », énumère la présidente, lui rappelant aussi son taux d’alcool : 0,92 gramme par litre de sang.
Endormi au volant, le moteur et l’autoradio allumés
« A cause de la fatigue », le prévenu n’a plus aucun souvenir du contrôle. Tout juste se rappelle-t-il d’avoir passé la nuit précédente dans un hôtel des environs avec une amie avec qui il avait consommé de l’alcool et d’avoir quitté les lieux après une altercation. En revanche, il ne reconnaît pas l’infraction car « il ne conduisait pas et personne ne l’a vu conduire », selon son avocate.
Avec déjà treize condamnations au casier, dont certaines pour des infractions routières, il écope finalement de soixante jours-amendes à 20 euros. Il devra également conduire avec un éthylotest antidémarrage pour une durée de quatre mois. « Mais son patron ne pourra pas en installer un sur toute la flotte de camions, donc il va perdre son emploi », déplore son avocate.
« Personne ne m’a dit que je ne pouvais plus conduire »
Quelques minutes plus tard, un homme né en Tchétchénie se présente devant le tribunal. Assez agité, il est accompagné d’un interprète en langue russe qui lui explique les faits qui lui sont reprochés. A savoir toute une série de délits routiers relevés lors de trois contrôles à Rennes en seulement un an et demi. Comme ce jour de janvier 2023 où il avait conduit après avoir consommé du cannabis, de la cocaïne et de l’héroïne. Déjà condamné en 2022 pour conduite sans permis et sans assurance, il plaide la mauvaise compréhension.
« Personne ne m’a dit que je ne pouvais plus conduire car si on me l’avait expliqué clairement, bien sûr que je n’aurais pas pris le volant », s’agace-t-il sans convaincre la procureure, qui ne croit « pas un mot de ce qu’il raconte. » « Bien sûr qu’il savait qu’il ne pouvait plus conduire », assure-t-elle. Abattu à l’énoncé du délibéré, il se voit condamner à cent vingt jours-amendes à 10 euros ainsi qu’à une interdiction de conduire pendant dix mois. Son véhicule, auquel il tenait tant, lui est également confisqué.
Mauvaise foi et explications grotesques
Dans ce genre d’affaires, la mauvaise foi est souvent de rigueur chez les prévenus, lesquels fournissent parfois des explications grotesques pour tenter de convaincre le tribunal de leur bonne foi. En vain le plus souvent. Comme ce jeune père de famille contrôlé par deux fois au volant après avoir fumé du cannabis. Avec, pour ne rien arranger, une suspension de permis la première fois. « Je n’ai jamais reçu le recommandé de notification », affirme-t-il, faisant également croire au tribunal qu’il pensait avoir « fumé du CBD » trouvé sur un terrain de basket. « Il s’enfonce dans ses mensonges avec une défense bien maladroite », s’agace la procureure. La présidente suit son raisonnement et le condamne à deux mois de prison avec sursis avec suspension du permis pendant six mois et confiscation de son véhicule.
A la barre, tout le monde ne cherche pas non plus à minimiser sa responsabilité. Ce bientôt trentenaire reconnaît ainsi sans ciller son comportement « inadmissible et irréfléchi. » Difficile en effet d’admettre le contraire au vu du grave accident qu’il a provoqué en septembre 2023 sur la rocade rennaise. Après une cure de désintoxication, il a rechuté ce soir-là, buvant de l’alcool à outrance et tapant de la cocaïne. D’humeur noire, il a pris le volant en pleine nuit pour rejoindre une amie à plus d’une heure de route de son domicile.
Il ne veut plus reconduire tant qu’il ne sera pas soigné
Roulant à vive allure, l’homme a percuté violemment l’arrière gauche d’une ambulance dans laquelle se trouvaient une mère et sa fille enceinte. Il a ensuite abandonné son véhicule avant de chercher à s’enfuir, mais les policiers l’ont rapidement interpellé, « titubant et les yeux vitreux. » De l’accident, le prévenu n’a plus que des vagues souvenirs même s’il continue à le « hanter. » « Les conséquences auraient pu être plus dramatiques et vous auriez pu provoquer des morts ? », l’interroge la présidente. « Oui, j’en suis conscient », répond-il, demandant pardon à ses victimes présentes dans la salle.
Depuis cet accident, le jeune homme continue de soigner ses addictions, qu’il n’arrive pas à surmonter. Après une suspension de permis, il aurait pu le récupérer l’an dernier mais ne l’a pas souhaité. « Il est hors de question que je conduise à nouveau tant que je ne suis pas soigné », assure le prévenu, qui doit entamer dans les prochains jours une nouvelle cure. Déjà condamné quatre fois dans le passé pour des infractions routières, il écope de dix mois de prison avec sursis avec annulation de son permis pendant deux ans et confiscation de son véhicule. Il devra également indemniser ses victimes et rembourser l’ambulance du CHU, déclarée épave après le choc.