Le courrier a été adressé à tous les personnels du Crous de Rennes Bretagne, lundi 12 mai 2025. Écrit par la présidente du Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous) Bénédicte Durand, il stipule que, depuis le 6 mai 2025, le directeur général de l’entité bretonne, Yann-Eric Prouteau, a été suspendu provisoirement de ses fonctions « à titre d’apaisement ».

Cette décision fait suite, dit-elle, à un courriel du 9 mars 2025, « signalant l’existence de dysfonctionnements persistants au sein du Crous de Bretagne ». Compte tenu « de l’importance des faits relatés », le Cnous indique avoir diligenté une enquête administrative. La mise à pied, à titre conservatoire, devrait durer le temps de « l’analyse approfondie de ses conclusions ».

Je l’ai senti très investi face à un état de délabrement du bâti, sur lequel il a lui-même voulu alerter. Je ne peux m’empêcher de penser que son engagement a joué dans la décision du Cnous

« Un contexte exécrable »

D’où vient cette décision, que la présidente présente, elle-même, comme « exceptionnelle » ? L’intéressée n’a pas répondu aux sollicitations du Télégramme. Le directeur général non plus. Mais plusieurs commentateurs extérieurs se font l’écho « d’un contexte et d’une ambiance exécrables, au sein d’un des Crous les plus pauvres de France, qui doit faire toujours plus avec moins de moyens ».

Arrivé il y a trois ans en provenance du Crous de Bordeaux-Aquitaine, Yann-Eric Prouteau était missionné pour rénover le fonctionnement de restaurants et de résidences universitaires bretons. « Mais il a trouvé un établissement au bord du dépôt de bilan. Et pour le redresser, il a dû opérer des manœuvres qui ont crispé socialement », dit cet autre interlocuteur, sous couvert d’anonymat. Dans un rapport public, datant du 11 avril, la CFDT Crous évoquait, en parlant de plusieurs sites rennais, « des tensions profondes » et parlait de « manque de transparence », de « gestion opaque » et de « malaise ».

« L’entier soutien » de Mélanie Thomin

Déjà tendu, le climat social se serait aussi dégradé après un hiver 2024-2025 particulièrement compliqué et des incidents répétés, révélant l’état de vétusté des équipements bretons. Brest en a fait les frais : fuite d’eau au Restau U de Kergoat en avril 2024, rupture de canalisation à l’Ar Men en septembre suivant, fuite de gaz et problème de chauffage au restaurant universitaire de Plouzané en janvier 2025, suivis d’une longue fermeture.

Ces pépins en cascade ont poussé dix parlementaires bretons à écrire au ministre de l‘Enseignement supérieur et de la Recherche, Philippe Baptiste, le 5 février, pour réclamer des moyens supplémentaires, face à « une situation inquiétante du parc immobilier et à un déficit prévisionnel de 2,5 M€ ». La députée du Finistère Mélanie Thomin, qui en faisait aussi partie, a auditionné Yann-Eric Prouteau dans la foulée. « Je l’ai senti très investi face à un état de délabrement du bâti, sur lequel il a lui-même voulu alerter. Je ne peux m’empêcher de penser que son engagement a joué dans la décision du Cnous. Je lui adresse mon entier soutien ». En attendant la décision définitive, la députée en appelle « à la responsabilité de l’État pour permettre à nos étudiants bretons de travailler dans de bonnes conditions ». Autre conséquence de cette crise : le directeur du patrimoine et des moyens généraux du Crous Bretagne a démissionné, ce lundi.