Les autorités ont lancé mardi une vaste opération de police et arrêté quatre responsables de ce réseau dont les milliers de sympathisants se disent nostalgique de l’Empire.

Coup de tonnerre outre-Rhin : les autorités allemandes ont frappé fort en lançant mardi une vaste opération de police pour anéantir le « Königreich Deutschland» («Le Royaume d’Allemagne»), décrit comme la plus grande «organisation conspirationniste » du pays. Ce réseau rejette la légitimité de la République fédérale allemande et prône le retour à l’Empire allemand d’avant 1918.

Cette opération ambitieuse, qui a mobilisé des « centaines de membres des forces de l’ordre » selon les autorités allemandes, s’est soldée par des perquisitions dans sept Länder et l’arrestation de quatre membres , dont trois fondateurs de la curieuse république parallèle. Cette mouvance, constituée d’un noyau dur de plusieurs milliers de partisans hostiles à l’État fédéral, a développé depuis une décennie un État parallèle avec sa propre monnaie, son système bancaire et ses papiers d’identité. « Leurs objectifs et activités sont contraires à la législation pénale et vont à l’encontre de l’ordre constitutionnel », a tranché le ministère allemand de l’Intérieur pour justifier la dissolution du réseau.

Des banques créées de toutes pièces

À la tête de cette bande et parmi les interpellés, Peter Fitzek, installé dans une petite commune près de Wittenberg, dans l’est du pays, s’est autoproclamé « roi d’Allemagne » en 2012 et a conquis des fidèles depuis son « palais ». Il leur a promis de les libérer du « joug » de la République fédérale, qu’il décrit comme une « entreprise privée » illégitime. Son petit empire se décline en une myriade d’organisations satellites, désormais démantelées, avec tous les outils nécessaires : banques créées de toutes pièces, assurances virtuelles et même un service de santé alternatif apparu pendant la pandémie de Covid-19, proposant des « passeports d’exemption » visant à attester d’une immunité supposée contre le virus.

Ce grand ménage intervient dans une Allemagne au contexte politique pour le moins électrique. Alors que l’AFD, parti d’extrême droite allemand, enregistre une ascension constante et séduit une part croissante de l’électorat, les autorités marchent sur des œufs. La mouvance des « Reichsbürger » (citoyens du Reich), qui se proclament citoyens du « Royaume d’Allemagne », représente l’aile la plus extravagante d’un mouvement bien plus vaste. Celui-ci a vu le jour dans les années 1980, mais a connu son véritable essor après la réunification allemande. Il défend l’Empire allemand, qui n’a selon eux jamais cessé d’exister.

Une menace prise au sérieux

« Les Reichsbürger présentent un danger concret pour notre démocratie, car ils ne se contentent pas de théories conspirationnistes mais érigent des structures alternatives complètes », explique l’historien Andreas Speit dans son ouvrage « Reichsbürger : Die unterschärtzte Gefahr » [Citoyens du Reich : le danger sous-estimé].

La menace est désormais prise très au sérieux par les services de renseignements allemands, qui recensaient 23 000 sympathisants du Reichsbürger en 2022, avec une tendance à l’expansion inquiétante. Après des tentatives de coups d’État manquées en 2022 et un projet d’enlèvement du ministre de la Santé du gouvernement fédéral, les autorités ont manifestement décidé de sonner le glas pour ces groupies du Reich.