Assise dans le fauteuil de président, qui a fait polémique en début d’année pour cause de remplacement coûteux, Sylvie Robert reste concentrée. Surplombant l’hémicycle, la vice-présidente de la Chambre haute supervise les débats. Comme ses autres collègues VP, elle supplée pour l’occasion le charismatique patron du Sénat, Gérard Larcher. Depuis le « plateau », équivalent du perchoir de l’Assemblée nationale, la Bretonne semble écrasée par les sept statues de marbre, derrière elle, parmi lesquelles Turgot et Colbert. Plus bas, le Garde des Sceaux Gérald Darmanin est en pleine joute oratoire. Ce jour-là, le débat porte sur la justice des mineurs délinquants.

Un Sénat moins sage ?

On est toutefois très loin du bouillonnant chaudron du Palais Bourbon. Le bruit et la fureur ne sont pas ce qui caractérise le mieux l’endroit feutré. Dans l’assemblée clairsemée, on distingue pas mal de cheveux blancs. Beaucoup regardent leur portable. Une sénatrice tue le temps en jouant sur son mobile. Le texte fait parfois hausser le ton. Et, à en croire les habitués, c’est assez inédit pour ce cénacle propice aux compromis entre adversaires politiques. La polarisation qui traverse la société française n’épargnerait-elle donc pas non plus le très sage Sénat ? « Quand J’ai déposé une proposition de loi média en septembre, ça a commencé à se tendre », constate, préoccupée, la socialiste Sylvie Robert. « Certainement que le clivage à l’Assemblée ne peut pas laisser indifférent le Sénat, avec quelques tensions sur fond de congrès du PS et de désignation du président des Républicains », concède son collègue Dominique de Legge. « Mais on est toujours dans une logique droite-gauche à l’ancienne, à la loyale », tempère le sénateur LR d’Ille-et-Vilaine.

Ancienne adjointe à la mairie de Rennes

En tant que vice-présidente, Sylvie Robert bénéficie d’un grand bureau donnant sur le jardin du Luxembourg. Un immense tableau, formé d’un damier de couleurs, couvre l’un des murs. Dans un coin, un cadre plus modeste laisse apparaître une carte de la Bretagne cidricole. Deux objets résumant ce qui fait vibrer cette native de Nantes : la culture et l’enracinement breton. Durant 22 ans, jusqu’en 2017, la sénatrice, qui a donné son nom à une loi sur les bibliothèques, fut adjointe à la mairie de Rennes. Entre 2004 et 2014, également conseillère régionale.

Fille d’une professeur de sciences naturelles à Villejean, à Rennes, et d’un chercheur, Sylvie Robert s’est très tôt intéressée à la culture. Par la littérature au lycée – elle apprécie Apollinaire – puis à l’occasion d’un job pour financer ses études au centre dramatique national. « Je déchirais les billets d’entrée. Ça m’a permis de voir des spectacles. » À l’Université Rennes 2, elle était aussi responsable du ciné-club. Diplômée, à Grenoble, d’un master 2 en sciences politiques, avec une spécialisation culturelle, elle occupe alors son premier poste au Théâtre national de Bretagne (TNB). Elle est chargée de la communication et des relations avec le public. Nous sommes en 1990, elle a 26 ans. « Tout arrive en même temps », se souvient-elle.

Mari proviseur à Louis-le-Grand

Quelques mois plus tôt, le maire de Rennes lui a, en effet, proposé d’intégrer sa liste. Un certain Edmond Hervé. Le début d’une grande histoire politique. En 2000, il la nomme adjointe à la culture. Et puis, en 2004, c’est Jean-Yves Le Drian qui lui propose parallèlement d’occuper des fonctions similaires à la Région, qu’il vient alors de remporter. Une consécration pour celle qui n’a jamais été une « apparatchik de cabinet ». Surtout quand il faut, parallèlement, s’occuper de ses trois garçons au côté de celui avec qui elle partage sa vie depuis plus de 30 ans, Joël Bianco, aujourd’hui proviseur du lycée Louis-le-Grand, à Paris.

Avec un tel parcours, beaucoup, à Rennes, croient encore qu’elle est adjointe à la culture. Un peu comme l’éternel ministre Jack Lang. « Mais c’est parce que je reste active dans ce domaine », sourit-elle. Une élue municipale « qui pouvait être mesurée, avec de l’humour et, en même temps, ferme sur ses prises de position », se souvient le conseiller d’opposition rennais Loïck Le Brun, qui l’a affrontée. « Peut-être un peu donneuse de leçons mais elle était capable de porter un vrai projet culturel municipal, contrairement à aujourd’hui… »