Par

Inès Cussac

Publié le

14 mai 2025 à 6h12

« Travailler plus pour gagner plus », disait-on à droite en 2007. Les cumulards d’emplois ont bien compris l’idée. Mais depuis quelques années, une subtilité vient changer la formule. La plupart des personnes qui travaillent à côté de leur premier emploi le font par souci pécuniaire. L’argent n’est cependant plus le seul moteur. La flexibilité s’est ajoutée dans l’équation. Selon une étude menée par le spécialiste des missions ponctuelles StaffMe, les jobs les plus répandus en Île-de-France ne sont pas toujours les mieux rémunérés. Pour de nombreux travailleurs, la souplesse est devenue « primordiale ». « Je voulais gagner plus d’argent parce que la vie à Paris est chère et que je vis au-dessus de mes moyens », reconnaît Adrienne, la vingtaine. « Mais je veux pouvoir profiter de la vie, parce qu’on a qu’une vie », se reprend-elle. Si la jeune femme a finalement retrouvé un quotidien normal en 35 heures, elle a fait partie de cette frange de la population dont les journées sont rallongées pour boucler les fins de mois.

« Je ne tenais plus le rythme »

« Je cherchais un truc avec des horaires assez flexibles pour pouvoir cumuler les deux emplois », remet-elle. Mais après avoir ajouté huit heures de travail hebdomadaire à son emploi du temps pendant deux mois, Adrienne a fini par lâcher l’affaire. « Au niveau du rythme, ça faisait trop. C’était compliqué de se remotiver après une journée de boulot pour recommencer un taf à côté », se souvient cette tête brune venue du sud ouest et dont le « petit job » de commerciale pour une miellerie consistait à démarcher les épiceries, restaurants, boulangeries, primeurs, etc. aux quatre coins de Paris.

Jongler entre deux emplois demande effectivement une certaine endurance. Pauline, qui cumule depuis cinq mois l’emploi de commerciale dans une startup à celui de serveuse dans restaurant semi-gastronomique du 18e, a réduit la voilure. « Je ne tenais plus le rythme. J’ai dû m’arrêter un peu parce que j’étais souvent malade », explique-t-elle. « Quand je ne suis pas disponible, je peux annuler en début de semaine. Donc il y a une grosse flexibilité, c’est bien. »

Le baromètre publié par StaffMe montre bel et bien la tendance qui se dessine chez les travailleurs. « Nous constatons que les missions offrant de la souplesse sont les plus attractives et les plus rapidement pourvues », fait savoir Jean-Baptiste Achard, cofondateur de la plateforme de recrutement en ligne, où quelques clics suffisent aux candidats pour postuler et décrocher un job.

C’est d’ailleurs par ce canal qu’Irène, architecte du lundi au vendredi, est devenue vendeuse dans une boutique d’ameublement, le samedi et le dimanche. « J’ai commencé en novembre, pour une mission de trois week-ends à la base. Là, on est en mai et j’y suis toujours », ironise-t-elle avant d’admettre ne pas avoir beaucoup travaillé ces derniers temps. « Avec les ponts, le soleil… J’en ai un peu profité avec les amis, j’ai fait la cigale pendant un mois. Maintenant, il faut faire la fourmi avant l’été », tente-t-elle de s’encourager.

La santé mentale en jeu

« Là où les travailleurs adaptaient auparavant leur quotidien à leur emploi, ils souhaitent désormais que leur emploi s’intègre à leur rythme de vie, remarque Jean-Baptiste Achard. La flexibilité n’est plus un avantage, c’est une condition de base. » Et Irène d’enfoncer le clou : « Le fait de ne pas être bloquée tous les week-ends, de pouvoir refuser le planning si j’ai autre chose de prévu est essentiel. Je n’aurais jamais accepté l’emploi sinon. »

Tant pis pour les fins de mois dans le rouge malgré les précautions. La santé mentale est un enjeu au travail et cela vaut aussi pour le « petit job ». « Je préfère être ric rac plutôt que de m’imposer un autre métier trop fatigant », argumente Adrienne avant de reconnaître le point positif de son expérience : « ça m’a permis de découvrir un métier vers lequel je voulais potentiellement me reconvertir. Je suis très contente d’avoir découvert ça et effectivement, ce n’est plus ce à quoi j’aspire. Même en temps plein, si j’en avais eu l’opportunité. »

Pauline, de son côté, a transformé l’essai. Ce second emploi l’aide d’une part à rembourser son prêt étudiant et à souffler financièrement « sans avoir à calculer chaque dépense ». D’autre part, il lui offre la possibilité de travailler sur le terrain, d’avoir un contact humain. « Je suis toute la journée derrière un ordinateur, des tableaux Excel. Je voulais avoir de l’argent en plus mais je cherchais aussi quelque chose avec une relation clients », rapporte-t-elle. Ce cumul des emplois contraint en outre la jeune femme à quelques économies. « Ça permet de diminuer les sorties du week-end », assure-t-elle. En rallongeant ses semaines de travail, la jeune femme a raccourci les petits plaisirs. Mais à l’approche des vacances d’été, elle s’acharne à y remédier.

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