« Le 11 mai 1987, le palais de justice de Lyon s’apprête à vivre l’une des plus grandes pages d’histoire et de justice de l’après-guerre. Pour la première fois, la justice française va instruire un procès pour crime contre l’humanité. »
Ces quelques lignes, narrées par l’acteur Benjamin Lavernhe, ouvrent le documentaire exceptionnel consacré au procès du “boucher de Lyon” Klaus Barbie, et diffusé ce mardi 8 avril (21h10) sur France 2.
« Un tournant »
« Le procès Barbie représente un tournant et ouvre la voie à une décennie durant laquelle la justice de notre pays va, de façon remarquable, explorer et juger ceux qui furent responsables de la déportation et de l’assassinat de dizaines de milliers de juifs et de résistants », explique le réalisateur Gabriel Le Bomin.
Coproduit par Dana Productions/Dana Hastier et l’INA, avec le soutien de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, ce documentaire ouvre une série consacrée à trois grands procès instruits entre 1987 et 1998 : Klaus Barbie donc, Paul Touvier et Maurice Papon. « Ces trois noms racontent à eux seuls l’articulation criminelle qui s’est opérée entre la politique menée par l’occupant allemand et celle de la collaboration engagée par l’État français. »
Un procès intégralement filmé
Confondu dès le début des années 70 par les époux Klarsfeld et le journaliste français Ladislas de Hoyos, l’ancien chef de la section IV du SIPO-SD de Lyon n’avait été arrêté et extradé de Bolivie qu’en 1983, à la faveur de l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement de gauche dans le pays andin.
Incarcéré à Montluc, Klaus Barbie est jugé du 11 mai au 3 juillet 1987 pour trois faits qualifiables de crimes contre l’humanité et donc imprescriptibles : la rafle de la rue Sainte-Catherine, la rafle des enfants de la Maison d’Izieu et l’organisation du dernier convoi de détenus, le train 14166, qui part de Montluc le 11 août 1944.
Dès son troisième jour de procès, l’ancien officier nazi refuse d’être présent, même s’il sera contraint de revenir de façon ponctuelle.
Grâce à la loi Badinter du 11 juillet 1985, qui autorise la captation vidéo de certains procès, les 37 audiences sont intégralement filmées. Une première.
« Ce sont ces captations qui nous obligent, estime Gabriel Le Bomin. Elles sont non seulement la mémoire du procès mais aussi la trace unique de témoignages bouleversants. »
« Une vérité d’une puissance inouïe »
« Ces dizaines d’heures d’audience imposent une vérité d’une puissance inouïe, poursuit le réalisateur. Les témoignages de Lise Lesèvre ou de Simone Lagrange sont exceptionnels. Les paroles d’André Frossard et d’Elie Wiesel sont écoutées dans un silence de cathédrale. Les récits des mamans des enfants d’Yzieu ou de Sabine Zlatin laissent sans voix. Mais il y a des dizaines d’autres témoignages qui viennent construire le récit de cette période. »
Toutes les parties prenantes de ce procès hors norme (avocats, magistrats, journalistes, dessinateurs, intellectuels) apportent également leurs voix, tandis qu’historiens et philosophes rappellent son impact sur la mémoire collective française.
Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, Klaus Barbie meurt le 25 septembre 1991 des suites d’un cancer, dans la prison Saint-Paul où il est incarcéré depuis son extradition. Sans jamais avoir exprimé le moindre regret.
« Le Procès de Klaus Barbie » (3*52 minutes). Mardi 8 avril à 21h10 sur France 2 et france.tv