Dix ans, déjà, que Cédric Kuster régale (et bichonne) ses convives à La Casserole ; une rareté dans le paysage gastronomique strasbourgeois ! Après une décennie de « complicité amicale et créative » avec le chef Jean Roc, le temps était venu pour la belle adresse de la rue des Juifs d’écrire une nouvelle page. « J’avais besoin d’être bousculé un peu et de sortir de ma zone de confort », analyse Cédric Kuster. Une séparation avec son chef « historique », des ambitions revues à la hausse et un alignement de planètes plus loin, Kévin Stroh y posait ses couteaux. « Tout s’est fait naturellement. Comme si c’était écrit », résume le chef.
Notes végétales, gourmandise et créativité
Entrée autour de l’asperge d’Alsace et du sureau. Photo Laurent Réa
Si le premier service officiel de ce natif de Waldolwisheim, âgé de 34 ans et père de deux enfants, date de ce jeudi 15 mai, les deux amateurs de bonne chère se connaissent de longue date. « On s’est rencontrés au CEFPPA, à Illkirch, lors de notre formation ; lui en cuisine, moi en salle. On partage les mêmes valeurs, une volonté de transmission et un esprit compétiteur », explique Cédric Kuster. Une sensibilité, aussi. Le vainqueur du Trophée Haeberlin 2018 et le gagnant du concours Jeunes talents Escoffier 2013 étaient faits pour s’entendre ; quand leurs routes se sont recroisées, ils ont choisi de collaborer.
Bien leur en a pris. Au 24, rue des Juifs souffle en ce dixième anniversaire un vent nouveau, plein de notes végétales, de gourmandise et de créativité. Formé au Kasbür , à Monswiller, Kévin Stroh est passé par le restaurant Klauss , à Dossenheim-sur-Zinsel ; le Buerehiesel , à Strasbourg ; Le Cygne , à Gundershoffen ; la Villa René Lalique , à Wingen-sur-Moder… ; avant de devenir chef de cuisine à L’Auberge des Templiers , en Centre Val-de-Loire, un étoilé Michelin où il a su conserver la distinction.
Variation autour du sandre. Photo Laurent Réa
De chacune de ces étapes, il a emporté quelque chose dans ses bagages : un sens de l’extrême rigueur, le travail des viandes, un « ADN Relais & Châteaux », un goût pour les infusions… Autant d’ingrédients qui trouvent désormais leur expression à La Casserole. À l’image de ces jus qu’on laisse réduire longuement à petit feu pour qu’ils concentrent leurs saveurs.
Cédric Kuster est à la tête de La Casserole depuis dix ans déjà. Photo archives Franck Kobi
« Ici, je peux exprimer ma personnalité », résume celui qui a intitulé le premier menu portant sa patte Résonances (proposé en cinq services à 127 €, quatuor d’amuse-bouche en hommage aux plats signatures de dix ans de La Casserole inclus). Dans l’assiette, l’asperge se mêle au sureau, à la fraise et au saké ; le fenouil au physalis, au Vadouvan (un curry local) et à un (extraordinaire) jus réduit de fenouil ressemblant à s’y méprendre à un jus de viande.
Sandre, ail des ours et chou-rave ; ris de veau, aspérule et polenta ; risotto de petit épeautre à l’artichaut et à l’ail noir. Des associations audacieuses, mais très réussies. Avec quelques variantes, selon que l’on ait envie d’être bousculé – avec ce dessert mêlant asperge blanche, genmaicha et pointe de citron –, ou rassuré, avec un dessert (presque) tout chocolat. Servi du mardi au samedi, le menu déjeuner est proposé à 52 € (67 € en version viande et poisson).
« Les légumes, c’est l’aventure ! »
Un très original dessert autour de l’asperge verte et du genmaicha est actuellement proposé à la carte. Photo Laurent Réa
Les légumes sont particulièrement bien mis en valeur (et gourmands). Chaque plat de poisson ou produit carné a sa « résonance » végétale, ce qui permet à chacun de pousser le curseur jusqu’où il l’entend. « On retrouve dans ma cuisine tous les codes de la cuisine classique, mais j’aime travailler les légumes. Pour moi, c’est l’aventure ! » analyse Kévin Stroh. L’avenir, aussi, sans doute… En tout cas celui de La Casserole , qui avec cette proposition s’inscrit dans son époque, sans renoncer à un ADN fait de gourmandise, de générosité et de partage. Ainsi du pain, toujours sourcé au bout de la rue – Cédric Kuster y tient –, mais désormais proposé sous forme de miche à partager. Ou de cette tarte du jour « comme chez mamama » (enfin presque) qui remplace avantageusement les traditionnelles mignardises et vient joliment terminer le repas.
Une étoile dans le viseur
En avril, un premier décor éphémère avait vu du gazon être installé dans la salle. Prochaine ambiance annoncée : la guinguette ! Photo Dr
Quid, au vu de tous ces changements, des nouvelles ambitions ? « Cette fois, je n’ai plus peur de le dire : oui, on vise une étoile ! Mais sans pression, à notre rythme et en restant nous-mêmes », assume Cédric Kuster. Un peu fantasques, sans doute, et pleins de bonnes idées, comme ces repas de fêtes à emporter (un héritage du Covid) ou cette collaboration avec Passions Croisées à Saint-Guillaume, qui promet encore de beaux dîners dans l’église.
À plus court terme, le restaurant verra plusieurs ambiances éphémères émailler les saisons. Engazonné en avril, le temps d’un verdoyant clin d’œil à la première “Casserole insolite” , il prendra cet été des airs de guinguette, avant une touche « arty » à l’automne. Une nouvelle “Casserole insolite” est aussi en préparation. Te amo mucho mènera le 19 juin les convives (qui auront déboursé 199 € TTC pour y participer) dans un lieu du centre de Strasbourg, comme de coutume encore tenu secret. Le goût du partage et de l’aventure, encore et toujours…