Elles sont les victimes indirectes des fusillades qui ont secoué le quartier de Villejean, à Rennes, ces dernières semaines. Après les échanges de tirs qui ont eu lieu en plein jour entre narcotrafiquants, la vie quotidienne des familles du quartier a été bouleversée. Le point qui catalyse toutes les peurs est rapidement identifié : la dalle. « On a clairement passé un cap avec ces fusillades en plein jour, rappelle Régine Komokoli, habitante du quartier et conseillère départementale. On a l’impression de mettre notre vie en danger car les balles ne choisissent pas. »
Problème, « on doit souvent traverser la dalle. Pour aller au parc, faire les courses, la vie s’est organisée autour de la dalle. Tout est là-bas », pointe Lady, une autre habitante de Villejean. « Ce quartier est sans doute le plus dynamique de Rennes. C’est simple, il y a tout ici », ajoute Bishop, dont le fils est scolarisé à l’école élémentaire Jean-Moulin.
Contourner la dalle, pour éviter les problèmes
Arrêt de métro, centre commercial, restaurants, bibliothèque, services… La dalle semble incontournable à Villejean. Pourtant, beaucoup ont désormais décidé de la contourner. « À partir de 19 h, je ne sors plus, pointe Laura, mère d’un enfant de cinq ans. Si je sors pour aller au restaurant, ce sera en ville, mais je ne vais plus sur la dalle ». Zorha, elle a décidé de ne plus fréquenter le Carrefour de la dalle. « Maintenant, je prends ma voiture pour aller faire mes courses au Leclerc de Cleunay ». Elle évite aussi soigneusement l’arrêt de métro Kennedy, en plein cœur de la dalle. « On s’arrête à Villejean université et on marche ».
Elle m’envoie un message quand elle est arrivée. Si elle n’a pas eu le temps, je la géolocalise via une application de contrôle parental.
Pour aller à l’école, idem. Caroline, dont la fille se rend tous les matins à pied au collège Rosa-Parks, traversait la dalle Kennedy pour aller en cours. « Aujourd’hui, elle a pour consigne de contourner. » La mère de famille l’affirme, aux heures d’entrée et de sortie des classes, elle a « la boule au ventre ». « Elle m’envoie un message quand elle est arrivée. Si elle n’a pas eu le temps, je la géolocalise via une application de contrôle parental ».
Des activités annulées
D’autres ont carrément arrêté certaines activités. Comme Aurore, qui a annulé « plusieurs rendez-vous chez l’orthophoniste » pour sa fille à cause de ce sentiment d’insécurité. « Quand je ne peux pas l’emmener, j’annule ». Bishop a, lui, décidé de « rester au stade lors de tous les entraînements de foot » de son fils. « Depuis qu’un dealer est venu au stade en menaçant des gens, j’ai peur pour lui. »
Certains ne sont pas retournés au parc avec leurs enfants, de peur de faire une mauvaise rencontre. « Depuis ces évènements, je ne suis plus retournée au parc du Berry, raconte Laura. Il y a un petit parc un peu plus loin, je m’y sens plus en sécurité ». D’autres ne vont plus à la bibliothèque. « J’ai une pile de livres qui attend chez moi que je n’ose pas rendre, admet Aurélie. Et surtout, je ne veux pas y retourner avec mes enfants, témoigne une habitante. C’est triste car on se pénalise nous-mêmes ».