Rester divisé ou s’unir
Après 10 ans d’une politique anti-immigration, antieuropéenne et anti-avortement du président sortant Andrzej Duda – et de son parti ultra-conservateur PiS (Droit et Justice) – les Polonais doivent se choisir un nouveau président. Une élection que Jean-Michel De Waele, professeur de science politique à l’ULB, qualifie « d’extrêmement importante. Parce que si le candidat libéral l’emporte (NdlR. Rafal Trzaskowski, voir ci-dessous), ça pousse la Pologne de façon non négligeable vers le monde occidental et la dresse comme un grand pays de l’Union européenne. Un pays incontournable pour sa défense et sa construction. »
Un tout autre scénario est tout fois possible. Car si le candidat progressiste Rafal Trzaskwoski – du même parti que le Premier ministre Donald Tusk – est favori, la droite conservatrice est en embuscade. À commencer par le candidat que le parti de l’actuel président, le PiS, soutient : Karol Nawrocki. « S’il l’emporte, on se dirige vers une Pologne toujours aussi divisée avec un gouvernement bloqué par le président et son droit de veto », prévient Jean-Michel De Waele. Fréquemment utilisé par Andrzej Duda pour limiter les avancées que souhaite le gouvernement progressiste et pro-européen de Donald Tusk, ce veto présidentiel a également une conséquence indirecte : les promesses du Premier ministre ont du mal à entrer en application, de quoi provoquer la déception de la population.
« Pas de surprise »
Un autre candidat, encore plus à droite lui, va tenter ce dimanche de jouer les trouble-fêtes. Star des réseaux sociaux et admirateur de Donald Trump (voir ci-dessous), Slawomir Mentzen pourra-t-il créer la surprise ? Jean-Michel De Waele n’y croit pas. « Malgré la surprise de l’élection roumaine où un candidat totalement inconnu trois semaines avant l’élection est arrivé en tête, il faut rester prudent. » Notamment parce qu’il estime que « les sondages sont assez fiables en Pologne ». Des sondages qui sont assez clairs : Trzaskwoski et Nawrocki se retrouveront au second tour, prévu le premier juin. « Il n’y a pas de grande surprise à attendre », prédit-il.
Et si grande surprise il devait y avoir, avec une qualification du candidat d’extrême droite, « cela assurerait la victoire de son opposant au second tour », estime Jean-Michel De Waele. « Même certains électeurs du PiS, qui sont de droite conservatrice, ne voteraient pas pour un candidat aussi extrémiste. »
Les favoris pour succéder à Andrzej Duda
Rafał Trzaskowski (PO)
Maire de Varsovie, Rafal Trzaskowski est le candidat plébiscité par le parti du Premier ministre Donald Tusk. ©AFP or licensors
Favori de l’élection avec 34 % d’intentions de vote, Rafal Trzaskowski est l’actuel maire de Varsovie, la capitale polonaise. Candidat pour le parti PO (Plateforme citoyenne) du Premier ministre Donald Tusk, il espère obtenir sa revanche, lui qui avait été battu de peu par Andrzej Duda aux élections de 2020. Progressiste, il milite pour revenir sur la (quasi) interdiction de l’avortement, pour donner plus de droits à la communauté LGBTQIA + et pour soutenir le gouvernement pro-européen en place.
Karol Nawrocki (PiS)
Karol Nawrocki, candidate for the 2025 Polish presidential election supported by Poland’s right-wing Law and Justice (PiS) party, greets supporters from his campaign van after a presidential debate at the Polish National Television headquarters in Warsaw on May 12, 2025. Poland will hold presidential election on May 18, 2025. (Photo by Wojtek RADWANSKI / AFP) ©AFP or licensors
Historien de formation, Karol Nawrocki est officiellement un candidat indépendant. Il est néanmoins soutenu par le PiS (Droit et Justice), le parti eurosceptique et ultra-conservateur du président sortant, Andrzej Duda. Plébiscité par 25 % des intentions de vote, il met l’immigration au cœur de la campagne et fait campagne avec un slogan aux élans trumpistes : « La Pologne d’abord ». Durant la campagne, Nawrocki n’a pas échappé aux scandales. Entre liens avec des membres de groupes criminels ou néonazis, même son parti semble se détacher de lui. Tout profit pour Slawomir Mentzen.
Slawomir Mentzen (Confédération)
Presidential candidate of the far-right Confederation party Slawomir Mentzen speaks during a campaign rally in Warsaw on May 10, 2025. (Photo by Wojtek RADWANSKI / AFP) ©AFP or licensors
Lui aussi fait de l’immigration son cheval de bataille dans la campagne présidentielle. Multimillionnaire et star des réseaux sociaux avec plus de 1,6 million d’abonnés sur TikTok, Slawomir Mentzen entend bien profiter de la baisse de popularité du candidat PiS, Nawrocki, pour se saisir des voix des Polonais conservateurs. Eurosceptique, opposé à l’avortement ouvert à la libéralisation de la législation des armes à feu et très critique envers l’immigration – qualifiant notamment les réfugiés ukrainiens « d’ingrats » – il copréside le parti d’extrême droite Confédération.