Protéger la mer, c’est protéger l’humanité. Telle est la maxime qui a traversé, ce dimanche 18 mai, la 5e édition de la manifestation pluridisciplinaire et gratuite Au bout la mer : Bleue, proposée par la mairie des 1er/7e et Karwan. Mêlant spectacles, expositions, rencontres littéraires et scientifiques, atelier de danse avec (LA) Horde, actions citoyennes et sorties en mer, elle a une nouvelle fois rassemblé, toute la journée, les Marseillais sur la Canebière et le Vieux-Port.

« Bivouac » a jeté sa folie douce en pleine ville

Parmi les occasions de plonger dans le grand bain, on a assisté à l’étrange cortège de la compagnie historique des arts de la rue basée à Marseille, Générik Vapeur, et sa horde d’hommes aux visages bleus et cheveux hirsutes. Juchés sur leur camion de rouille et d’os, cinq de ces créatures ont craché leur rock bien percussif, tandis qu’à leurs pieds, une meute de leurs semblables en costume usé tapaient et faisaient racler sur le bitume leurs gros bidons aussi bleus que leurs figures.

Dans les pétarades et les fumigènes, embrasant leurs caissons de métal, ils ont ainsi paradé sur la Canebière à la mi-journée, entraînant dans leur sillon les badauds. Certains ont même pu goûter à la potion bleue et aux feuilles de laitue dont se ravitaillaient ces drôles d’avatars. Une cohue joyeuse qui a littéralement envahi la rue, le doigt régulièrement pointé vers la mer, avant de disparaître, accrochés à leur vieil engin. Bivouac est le titre de cette manifestation furieuse aux 102 bidons et au rock survolté, qui a jeté sa folie douce en pleine ville.

Questionnement sur l’humanité

Autre proposition, mais tout à fait différente, Une jungle, vue sur la place du Général-de-Gaulle en début d’après-midi, est un duo dansé de la compagnie Chao. S, poignant et engagé contre le racisme. Cette danse de lutte et de résistance, de corps balayés par les flots, de cris déchirants et terriblement silencieux, d’êtres bousculés, broyés par des forces invisibles, propulsés vers on ne sait quoi, a particulièrement fait écho à la situation des migrants en Méditerranée. Tout en saisissant les spectateurs.

Un conte funambule

La journée s’est terminée justement au bord de l’eau, sur le quai de la Fraternité, avec ce questionnement sur l’humanité porté par le funambule Théo Sanson et l’écrivain Alain Damasio, à l’invitation d’Anne Guiot, directrice de Karwan.

Couvert de terre argileuse, le comédien et acrobate Théo Sanson a déclamé son texte, progressant sur son fil.Couvert de terre argileuse, le comédien et acrobate Théo Sanson a déclamé son texte, progressant sur son fil. Photo PHILIPPE LAURENSON

Petit Homme est ce théâtre sur un fil, cette traversée de 45 minutes d’une tour à une autre à plusieurs mètres du sol, et sans filet. Couvert de terre argileuse, l’acrobate déclame ainsi son texte tout en avançant sur sa ligne, vers son futur, menant un dialogue avec celle qu’il a baptisée Ève. À travers cet échange, et au fur et à mesure de la progression en équilibre, on y suit l’évolution de l’homme : de l’âge de pierre à l’ère actuelle – celle du numérique, du virtuel, de l’artificiel -, en passant par le néolithique ou encore la révolution industrielle.

Petit Homme ponctue chaque période par l’envoi, depuis son fil, de poudre de couleur. Mais le texte d’Alain Damasio rappelle que ce cheminement, ce développement, cette transformation, ne se sont pas faits sans conséquence, à savoir la destruction de la planète. « Maintenant que veux-tu ? » dit Ève à Petit Homme, qui a atteint le bout de son fil. « Je ne veux plus vieillir, je ne veux plus souffrir, je veux tuer la mort, je veux l’immortalité », crie-t-il, face à ce qui lui est impossible. Un conte funambule qui vient clore avec poésie et beaucoup de sens cette 5e édition de Au bout la mer : Bleue.