Le metteur en scène Mathieu Bauer propose une relecture résolument ludique de l’opéra de Mozart, assumant le parti d’un divertissement léger et familial. La Reine de la Nuit de Lila Dufy et la Pamina d’Elsa Benoit dominent une distribution inégale, sous la direction vive de Nicolas Ellis.

La Flûte enchantée, mise en scène de Mathieu Bauer

© Laurent Guizard

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Avant même l’Ouverture, Sarastro surgit en bonimenteur de fête foraine, présentant l’opéra comme une attraction populaire. Le ton est donné. Au fond, une grande roue illuminée ; sur scène, un plateau tournant accueille une profusion d’éléments bariolés : stand de barbe à papa, train fantôme orné d’une tête de mort, ampoules multicolores, ballons flottants… Tamino gagne sa flûte (en plastique vert fluo) à la pêche à la ligne ; Sarastro façonne goulûment des pommes d’amour ; les « prêtres » comparses du camelot s’affairent avec extincteurs et serviettes, le tout dans des costumes très « Seventies ». L’ensemble est joyeux, inventif, mené tambour battant. Le public rit, applaudit, s’amuse. 

Dimensions gommées

Mais peut-on ainsi évacuer toute portée symbolique, philosophique, voire ésotérique de l’œuvre ? Une fois gommée la dialectique initiatique qui structure le livret de Schikaneder — entre ténèbres et lumière, illusion et vérité —, ne restent que des figures déconnectées, agitées d’une scène à l’autre au milieu d’un espace surchargé, sans temple ni véritables prêtres ou initiés. Pourquoi Tamino doit-il affronter des épreuves ? Pourquoi Pamina doit-elle souffrir ? Nul ne sait, et surtout, nul ne semble s’en soucier.

L’Orchestre national de Bretagne, sous la direction enlevée et nerveuse de Nicolas Ellis, épouse cette lecture au premier degré. Si des tempos très vifs dynamisent le flux théâtral, c’est au détriment de la respiration ou du mystère. Malgré un son assez sec, des timbres plus moelleux, un geste plus souple laissent (enfin) place à une certaine poésie sonore dans les scènes d’épreuves de l’acte II.

Honneurs aux dames

Le plateau vocal se distingue par la superbe Pamina d’Elsa Benoit : timbre coloré et lumineux, musicalité évidente, autorité scénique. Tout au plus pourrait-on souhaiter çà et là un peu plus d’apesanteur et d’abandon, notamment dans « Ach, ich fühl’s ». Face à elle, Maximilian Mayer, en Tamino, projette vaillamment mais manque de finesse dans la ligne et peine à stabiliser son intonation.

Le Sarastro de Nathanaël Tavernier assume pleinement la démythification d’un rôle désormais plus proche de Dulcamara que de l’hiérophante éclairé. S’il offre un chant bien assis et des graves assurés, on regrette un certain défaut de legato et de noblesse. Lauriers, en revanche, pour la Reine de la Nuit de Lila Dufy qui, affublée d’un mystérieux costume de Joan Crawford dans Johnny Guitar, fait un sans-faute : voix belle et homogène, vocalises affûtées et solides… Elle confère même nuances et velouté à « Der Hölle Rache ».

Si le trio des dames se fait un peu agressif, les seconds rôles masculins séduisent davantage, du Monostatos bien timbré de Benoît Rameau au baryton Thomas Coisnon, à la fois Orateur de grande classe et Premier Prêtre d’une présence scénique appréciable.

Enfin, c’est sans surprise Papageno qui est le plus à l’aise dans ce cadre. Damien Pass, bonhomme et gaillard, s’amuse beaucoup et enfile des « shots ». Il est secondé par la Papagena truculente d’Amandine Ammirati. Succès public garanti.

La Flûte enchantée de Mozart. Rennes, Opéra, le 15 mai. Prochaines représentations à Nantes (24, 26, 28, 30 mai, 1er juin) et Angers (16 et 18 juin). Diffusion sur écrans, en Bretagne et sur France 3 le 18 juin.