Jeudi dernier, après dix-huit mois de négociations avec les organisations professionnelles, ponctuées par plusieurs mobilisations, la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) a présenté les grandes lignes de la nouvelle convention cadre sur le transport sanitaire qui doit entrer en vigueur le 1er octobre prochain pour une durée de cinq ans. Pour répondre aux recherches d’économie exigées par le gouvernement, celle-ci impose notamment une nouvelle grille tarifaire aux taxis conventionnés pour le transport des patients bénéficiant d’une prescription médicale appropriée.

Opposées à ce nouveau modèle tarifaire, qu’elles jugent « préjudiciable à l’avenir des entreprises de taxi », les fédérations nationales représentatives de la profession ont promptement organisé la riposte en appelant les taxis concernés à se mobiliser dès ce lundi. En Alsace, comme dans le reste de l’Hexagone, la mobilisation a principalement pris la forme d’opérations escargot.

Plus de cent taxis mobilisés dans le Bas-Rhin

Dans le Bas-Rhin, aux heures de pointe matinales, des convois de taxis ont fortement ralenti le trafic en direction de Strasbourg, respectivement sur l’A 4 et l’A 35, ce qui n’a pas manqué d’occasionner des difficultés de circulation également sur les autres axes pénétrants de la ville. Le premier, composé d’une soixantaine de taxis, artisans et salariés mêlés, est parti de l’aire de service de Brumath vers 7 h 10. À la vitesse moyenne de 10 km/h, et moyennant plusieurs arrêts, il a fini par atteindre l’entrée principale de l’hôpital de Hautepierre à 9 h 30.

Le second, formé d’une quarantaine de taxis, est parti à la même heure de la zone de loisirs Le Trèfle à Dorlisheim, en direction du Nouvel Hôpital civil de Strasbourg qu’il a rejoint vers 9 h 10. Dans ces deux établissements hospitaliers, des taxis se sont ensuite positionnés aux principaux points d’accès pour y distribuer des tracts et expliquer leurs revendications aux visiteurs et patients jusqu’au milieu de l’après-midi. Ils ont également « prêché la bonne parole » auprès de leurs confrères ou collègues non grévistes qui effectuaient des transports de patients vers ces deux sites.

Appel à geler la convention

À Mulhouse, un cortège matinal d’une cinquantaine de professionnels, parmi lesquels Ahmed Bakraoui, vice-président du syndicat des taxis mulhousiens (STM), est parti de la gare centrale pour rejoindre la sous-préfecture puis la Caisse primaire d’assurance maladie et y déposer un courrier réclamant le gel immédiat de la convention et la désignation d’un médiateur indépendant en vue de sa renégociation. L’opération mulhousienne a pareillement entraîné des difficultés de circulation sur les axes pénétrants de la ville.

À Colmar, en fin de matinée, ce sont 80 taxis venus de tout le Haut-Rhin qui ont mené une opération escargot de la Maison de l’artisanat jusqu’à la Caisse primaire d’assurance maladie où Corinne Rossé, vice-présidente de l’union des taxis d’Alsace , a remis au directeur une lettre exprimant les revendications de la profession.

« Un bon tiers de la profession va finir par se casser la gueule »

« Avec cette nouvelle convention, qui revoit les tarifs à la baisse, parfois jusqu’à 40 %, un bon tiers de la profession va finir par se casser la gueule. Notre chiffre d’affaires va diminuer alors que nos charges, elles, ne cessent de grimper ! », a prévenu un chauffeur gréviste bas-rhinois venu manifester devant l’hôpital de Hautepierre. « Les taxis ruraux ne sont pas les seuls menacés d’asphyxie. En raison de la concurrence des VTC, la plupart des taxis urbains sont également conventionnés et tirent une partie de leurs revenus du transport de malades », a alerté Hachim Kerkoub, président de l’association strasbourgeoise Taxis 13.

« La nouvelle tarification ne sera plus liée au taximètre, ce qui va contraindre certains de travailler sous le seuil de rentabilité ou de renoncer. Alors que la demande ne cesse de croître, elle risque aussi de provoquer des carences en matière de transport sanitaire dans les territoires », a relevé Jean-Luc Jessel, président de la Fédération nationale des taxis indépendants (FNTI) du Bas-Rhin. Ce dernier juge par ailleurs « indignes » les nouvelles dispositions relatives au transport partagé.

Des zones blanches pour contrer les VTC

Les taxis alsaciens mobilisés ce lundi ont également tenu à dénoncer « la concurrence déloyale persistante » des VTC. « On demande simplement l’application des lois limitant l’activité des VTC et le respect des règles interdisant la maraude électronique des VTC », a insisté Mike, un taxi mulhousien, en rappelant que les maires ont le pouvoir de mettre en place des zones blanches sur certains secteurs. « Certains le font déjà », a-t-il indiqué.