Nos yeux contemplent une cheminée volcanique à 1.750m de profondeur. Au milieu des ténèbres, la vie foisonne. Le bras articulé de Victor 6.000, véhicule sous-marin de l’Ifremer, prélève de surprenantes moules orangées, avec sa main en forme de pince.

Devant un écran (vraiment) géant, puisqu’il mesure 6m par 3,40m, chercheurs, scientifiques, biologistes et spécialistes des systèmes sous-marins se relaient. Depuis La Seyne, ils communiquent en direct avec les équipes du bord, qui opèrent à des milliers de kilomètres, au milieu de l’Atlantique. Voilà l’une des fonctionnalités de la halle numérique et immersive de l’Ifremer à La Seyne, équipement dernier né et dernier cri de l’institut de recherché dédié aux mers et océans

Ce lundi, « les chers financeurs » ont été conviés à l’inauguration d’un outil technique et scientifique qui pèse un investissement de 1,4 million d’euros.

Rayonnement


Des experts dont les avatars se déplacent dans une image en 3D, c’est l’une des performances de la halle numérique de l’Ifremer.
Photos Frank Muller

« Ce projet n’a pu être réalisé que grâce à une série d’acteurs mobilisés », appuie François Houllier, président-directeur général de l’Ifremer. Au premier rang se tiennent les collectivités territoriales, Région, Département et Métropole toulonnaise, dont les représentants ont loué « le rayonnement de l’Ifremer sur le territoire ».

Avec l’État, les acteurs locaux ont co-financé la moitié de l’équipement, l’autre part étant apportée par l’Ifremer, sur ses propres fonds. Troisième volet du contrat de plan état-Région « InnovBioMedChange », cette halle numérique « n’a guère d’équivalent en Europe », annonce François Houllier.

Sur l’écran justement, s’affichent cartographies, images en temps réel, données scientifiques… « Nous menons des opérations sous-marines de plus en plus riches, illustre Jan Opderbecke, responsable de l’Unité systèmes sous-marins à l’Ifremer. Ici, nous pouvons ouvrir le microcosme. D’ordinaire, jamais nous ne pouvons montrer ce que nous faisons en mer. Et nous le faisons en temps réel. »

Pour Vincent Rigaud, directeur du centre Ifremer Méditerranée, et toutes proportions gardées, il s’agit bien d’un « Cap Canaveral de l’océanographie ». Le point fort de la halle numérique est de pouvoir y faire converger d’immenses quantités d’informations, car « l’accès aux données, c’est ce qui compte ». Le lien est fait entre La Seyne et Brest, où l’Ifremer fait tourner un super-calculateur, Datarmor.

Jumeau numérique

Les enjeux du futur sont à la modélisation et au jumeau numérique de l’océan. « De tout temps, on a observé, mesuré, modélisé, rappelle François Houllier. Ici, ce sera très précis, nous pouvons travailler sur des jumeaux numériques de petites zones. »

De quoi zoomer sur des centres d’intérêt, pourquoi pas en partenariat avec des industriels. La Marine nationale est présente au baptême, venue en voisine. « Nos forces sont également en évolution sur ces sujets, il y a un mouvement d’intérêt vers les grandes profondeurs », livre le contre-amiral Nicolas Pannetier, expert des questions de maîtrise des fonds marins.

À ce jour, les militaires ne descendent pas en dessous de 2.000m, mais de nouveaux équipements sont attendus dès l’an prochain.

Dans la halle, l’essentiel sera peut-être l’appropriation par les experts et ingénieurs, qui peuvent travailler de façon collégiale et pluri-disciplinaire. « Par les systèmes de visio, les scientifiques dialoguent et travaillent comme s’ils étaient en mer, témoigne Alexis Puech, chef de projet logiciel. Les données arrivent des bateaux et nous sommes connectés en télé-science. Quand le dialogue se noue, on voit émerger les idées, c’est exceptionnel. »

L’outil pourrait aussi accueillir étudiants ou collégiens, « avec le secret espoir de leur donner envie d’être chercheur », s’exclame Jean-Luc Parrain, délégué régional à la recherche et l’innovation.