Par
Yann Rivallan
Publié le
20 mai 2025 à 17h16
À la barre du tribunal de Rouen, Kenza* ne lâche pas du regard le président. Cette mère de famille célibataire de 31 ans comparaît, vendredi 16 mai 2025, pour des violences sur trois de ses quatre enfants. « J’ai perdu le contrôle », admet-elle.
Brûlures, claques, coups de ceinture…
Déjà condamnée en 2020 pour des violences et menaces sur son ancien compagnon, Kenza fait de nouveau face à la justice. Une situation délicate pour la mère de famille. Elle a déjà perdu en 2023 la garde de son fils aîné au profit de son premier compagnon.
Vendredi, dans la salle d’audience du tribunal correctionnel, on lui reproche dans le détail d’avoir violenté en 2023 à plusieurs occasions et de différentes façons ses trois plus jeunes enfants, âgés alors de 8 ans, 4 ans et 18 mois : « Brûlures de cigarettes, claques derrière la tête, coups de ceinture, douches froides, grosses fessées », énumère le président.
« Des douches froides quand on n’est pas sage »
Tout démarre lors des vacances de la Toussaint 2023. Swan*, le troisième enfant de Kenza, passe le week-end chez son grand-père paternel dans la région de Dieppe. Le petit garçon âgé de 4 ans s’apprête à être mis en pyjama par la compagne de son grand-père quand cette dernière constate d’étranges marques.
Un peu partout sur le corps de l’enfant, elle observe des traces de brûlures. Interrogé sur leur origine, Swan explique que sa mère « le brûle avec une cigarette quand il fait des bêtises ». Par la suite, il fera état de violences, « de douches froides quand on n’est pas sage », ou encore d’une grosse fessée sur Naëlle*, sa petite sœur de 18 mois.
Au moment de retourner chez sa mère, le petit garçon fondra en larmes, selon ses grands-parents venus témoigner à la barre. Ils déposeront plainte dans la foulée contre la mère de famille.
« Ça me fait mal »
Lors de l’enquête, Flavio*, le deuxième enfant de Kenza, va aussi révéler des éléments troublants sur le comportement de sa mère. Du haut de ses 8 ans, il raconte aux enquêteurs avoir été « mis sous la douche » à quelques occasions, avoir reçu des tapes derrière la tête, des coups de claquette ou encore de s’être fait tirer les oreilles.
Il indiquera lors de son audition : « Ça me fait mal », avant de demander aux enquêteurs de « ne pas répéter ça à maman, sinon elle va taper plus fort », relate le président.
Devant le tribunal, Kenza admet des violences mais relativise. Des coups de claquette et derrière la tête ? « Oui », dit-elle. Une grosse fessée sur sa fille de 18 mois ? « C’était une fessée légère sur sa couche », se défend la prévenue. Quant aux brûlures de cigarette, elle nie en être à l’origine : « C’est un accident », insiste-t-elle.
D’après la mère de famille, Swan aurait été brûlé lors d’une sortie au parc. Une cigarette lui serait tombée dessus par inadvertance. Et les nombreuses marques retrouvées sur le petit garçon ? « Certainement à cause des puces. Mon ancien logement en était infesté », rétorque Kenza.
« Je ne savais plus quoi faire »
Toujours est-il qu’un rapport d’un médecin légiste indique que les traces retrouvées sur Swan sont « compatibles » avec des brûlures appuyées de cigarette. La mère de famille maintient sa version mais dit tout de même avoir « manqué de tact » et regretter ses actes.
Je ne savais plus quoi faire. Depuis qu’ils étaient tous les trois à la maison, je n’y arrivais plus. J’ai demandé de l’aide.
Kenza
Mère de famille
Le président rappelle par ailleurs que Kenza était « en plein sevrage d’addictions ». Ce qui est chose faite désormais, selon l’intéressée.
Dédommagements pour les trois enfants
Pour défendre les intérêts des enfants, l’avocate du conseil départemental de Seine-Maritime — et par conséquent de l’aide sociale à l’enfance — demande 3 000 euros de dommages et intérêts pour Swan, 2 500 pour Flavio et 1 500 pour Naëlle.
« Aujourd’hui, les enfants vont mieux car ils sont protégés [chez leurs proches ou en famille d’accueil, NDLR] », poursuit-elle.
Le procureur de la République requiert une peine de 18 mois de prison assortis d’un sursis probatoire de deux ans. Il demande à la mère de famille de suivre des soins psychologiques, de payer des dommages et intérêts à ses enfants, mais aussi qu’on lui retire complètement ses droits parentaux pour Flavio et Swan, et partiellement pour Naëlle.
Un an de prison avec sursis
Pour l’avocate de la défense, cette audience repose avant tout « sur les déclarations » des enfants. « Ma cliente reconnaît les faits et admet avoir été dépassée par la situation. »
Mais sur le point central de cette affaire, les brûlures de cigarettes, « on n’est pas sûr que ce soit ça, poursuit l’avocate. C’est un âge où un enfant se blesse facilement en faisant du vélo ou de la trottinette ». Ce pourrait très bien être des blessures liées à autre chose pour la défense.
Au bout du compte, le tribunal déclare Kenza coupable de l’ensemble des faits** reprochés. Elle est condamnée à un an de prison, assorti d’un sursis probatoire de deux ans. Elle a aussi une obligation de soins et se voit retirer l’autorité parentale intégralement pour Flavio et partiellement pour Swan.
Aucun retrait en revanche pour la benjamine, Naëlle. Elle devra payer un préjudice total de 5 800 euros répartis entre ses trois enfants et la grand-mère de Flavio, qui s’est constituée partie civile.
*Les prénoms ont été modifiés
**Cette peine est susceptible d’appel. Tout justiciable demeure présumé innocent tant que toutes les voies de recours n’ont pas été épuisées
Suivez l’actualité de Rouen sur notre chaîne WhatsApp et sur notre compte TikTok
Suivez toute l’actualité de vos villes et médias favoris en vous inscrivant à Mon Actu.