Fermé depuis 2002, le jardin Bois-de-Boulogne n’est pas près d’accueillir de nouveau les habitants du quartier des Moulins. Car rien n’a bougé depuis que les ennuis du parc ont démarré.
C’était à l’été 2021. De nombreuses nuisances étaient signalées: fêtes sauvages avec barbecues géants, musique diffusée tardivement et à volume élevé et, surtout, personnes alcoolisées et agressives. Le Département – propriétaire des lieux – avait alors prévu des travaux de sécurisation du site. Mais en l’absence d’actions, la Ville – qui avait la gestion du parc – a décidé de rompre la convention qui les liait. Rendant, de fait, la fermeture du parc inévitable.
Face au statu quo actuel, les habitants de l’ouest de la ville ont diffusé une pétition réclamant la « réouverture immédiate » du jardin.
« Les enfants n’ont plus rien »
« C’est un parc agréable pour les riverains, il n’est pas exposé aux voitures puisqu’il est fermé, souligne Rosario Lo Cicero, le président du comité de quartier des Moulins. De nombreuses personnes nous demandaient pourquoi le jardin était fermé, alors on s’est dit qu’on allait lancer une pétition car on ne voulait pas rester sans rien faire. »
Lancée il y a une dizaine de jours, elle a recueilli près de 400 signatures.
Agir, c’est une évidence pour celui qui est également le président de l’association des commerçants: « Je veux me battre pour ça. »
« Les enfants n’ont plus rien, soupire-t-il. Il n’y a plus de stade à Nikaïa et ce n’est pas au complexe du Mercantour qu’ils peuvent faire de l’athlétisme. » Il ajoute: « Les jeunes qui n’ont rien à faire tournent en rond alors que, quand ils font du sport, ça les occupe et ça les empêche de faire des bêtises ».
Il n’est pas concevable, pour Rosario, que le Bois-de-Boulogne soit remplacé par un immeuble, malgré les rumeurs qui circulent. « C’est un endroit superbe où il y a aussi des tables pour pique-niquer, sourit-il, nostalgique. Mes enfants y ont même fait de la luge quand il y avait de la neige, en 1984. »
« C’était mon coin préféré »
Le square des Jacarandas, dans le quartier des Moulins, est pris d’assaut chaque jour par les familles.
Photo Cl. C.
Faute de pouvoir fréquenter ce vaste espace vert de 15.000m2, les familles des Moulins se rabattent sur les jardins, plus réduits, du cœur du quartier. C’est le cas notamment au square des Jacarandas – après l’école mais aussi le mercredi et le week-end – où tous s’entassent où il y a de la place. Le square a beau être équipé de jeux, d’un sol en synthétique et de bancs, il n’en demeure pas moins exigu. Il a été fraîchement rénové et des arbres y ont été plantés, mais il va falloir être patient pour qu’ils puissent enfin faire de l’ombre aux tables de pique-nique installées à leurs pieds. Assia, Nadgeh, Aïcha, Fatma et Alima s’y retrouvent quasi quotidiennement. « Le matin, il y fait bon, il y a un peu d’ombre, s’accordent-elles. Mais l’après-midi, il n’y a pas assez de places pour tout le monde et, du coup, pas assez de jeux. »
Enfant du quartier, Makkia a grandi aux Moulins. « Le Bois-de-Boulogne, c’était mon coin préféré tous les week-ends, se rappelle-t-elle. On y faisait du vélo, du roller et des jeux de ballon. Et puis, on y organisait des pique-niques. » Elle se souvient du moment où ça a basculé: « Il y avait des rassemblements de personnes, on ne se sentait plus en sécurité. » Elle soupire. « On aimerait que ça rouvre. »
« Il est impératif de conserver des arbres sur ce secteur »
La Ville de Nice affirme son soutien aux habitants du quartier des Moulins et exprime son inquiétude face aux rumeurs d’un « projet de construction dénommé Eco-Cadam d’une envergure significative » qui « serait à l’étude sur l’emprise du centre administratif départemental des Alpes-Maritimes et plus précisément au sein du périmètre arboré du jardin Bois-de-Boulogne ». Des craintes affichées dans un courrier adressé au président du conseil départemental, Charles Ange Ginésy, le 25 avril dernier.
« Nous sommes opposés à ce projet imaginé sur un parc très arboré alors qu’il n’y en a pas d’autres de cette qualité aux Moulins, annonce Monique Bailet, adjointe au maire délégué au territoire Nice-Ouest. Il est normal de s’inquiéter de la perte de cet îlot de fraîcheur qui est également utile pour les travailleurs du Cadam. Il est impératif de conserver des arbres sur ce secteur. » Elle poursuit: « Nous avons des contraintes hydrauliques imposées et nous nous interrogeons sur le respect du plan de prévention des risques inondation ».
Concernant la gestion des lieux, « la Ville ne peut pas assurer une sécurisation 24 heures/24 et une police en continu est impossible », insiste-t-elle pour justifier la rupture de contrat avec le Département.
Le Département pointe la Ville qui a cessé de gérer le parc
« Le Département n’a pas de pouvoir de police pour assurer la sécurité d’un lieu ouvert au public », insiste-t-il en renvoyant la balle à la mairie de Nice, « qui a ce pouvoir » et dispose « également d’une police municipale pour le faire respecter ». Et d’enfoncer le clou: « La mairie de Nice a rendu caduque l’ouverture au public en dénonçant la convention de mise à disposition de lieux ».